Vous vous demandez pourquoi l'argent misé sur les entreprises en démarrage ne génère pas de profit au Canada? La Banque de développement du Canada a peut-être mis le doigt sur le bobo. Historiquement, le capital a été concentré dans les mains des pires gestionnaires au pays... pendant que les meilleurs ne ramassaient que les miettes.

Dans un tableau qui a dû faire se retourner Charles Darwin dans sa tombe, le président de la Banque de développement du Canada (BDC), Jean-René Halde, a dévoilé hier l'allocation du capital-risque canadien selon la performance des fonds responsables de le gérer.

Surprise: ce sont les fonds du dernier quartile, donc les 25% les moins performants, qui ont historiquement raflé la plus grande part de l'argent disponible, soit 33%. À l'autre extrémité du spectre, les fonds du premier quartile - les meilleurs au pays - ont reçu la plus faible proportion de l'argent en jeu, soit seulement 19%.

«Non, ce n'est pas logique», a convenu M. Halde en entrevue à La Presse Affaires en marge du congrès annuel de Réseau capital, l'association québécoise du capital-risque.

La situation est d'ailleurs complètement inversée aux États-Unis, où les meilleurs fonds reçoivent logiquement la plus grosse part de l'argent (31% du total), et les pires, la plus faible (20%).

Le capital-risque est cet argent qu'on mise sur des entreprises en devenir dans l'espoir de les voir percer. Il est notamment crucial au développement du secteur technologique. Sans capital-risque, il n'y aurait ni Google ni Facebook.

L'industrie du capital-risque est en difficulté partout sur la planète. Mais, depuis 10 ans, elle a généré un rendement positif de 1,1% aux États-Unis, comparativement à des pertes de 1,8% en Europe et de 5% au Canada.

Des participants optimistes

Il y a tout de même une bonne nouvelle dans les données dévoilées hier montrant que les pires gestionnaires sont les plus favorisés: elles ne sont pas à jour.

Ces chiffres décrivent la situation des fonds depuis leur création jusqu'en 2005. Ils sont donc extrêmement précieux pour comprendre les raisons de l'échec canadien, mais ne sont pas garants de l'avenir.

«Ç'a déjà commencé à changer», soutient M. Halde.

Selon lui, c'est surtout la multiplication excessive des fonds fiscalisés en Ontario qui explique la drôle de situation présentée hier.

Alléchés par de généreux rabais fiscaux, les particuliers ont confié leur argent à des gestionnaires sans expérience, qui ont dilapidé du capital-risque sans véritable stratégie.

«Un peu n'importe qui faisait un peu n'importe quoi», résume M. Halde, qui assure que la sélection naturelle commence à faire son oeuvre et que les mauvais acteurs disparaissent.

Comme plusieurs participants au congrès d'hier, M. Halde se montre d'ailleurs foncièrement optimiste pour l'avenir du capital-risque canadien.

«Il y a beaucoup de bonnes choses qui sont en train de se passer», a-t-il répété hier. Selon lui, les entrepreneurs canadiens prennent de l'expérience et les financiers qui misent sur eux commencent à apprendre de leurs erreurs.

«Désormais, on va confier l'argent aux meilleurs gestionnaires», a d'ailleurs promis M. Halde.

Restructuration à la BDC

Tel que révélé par La Presse Affaires en décembre dernier, la BDC est elle-même en pleine restructuration dans ses activités de capital-risque. L'ancien responsable de la division, Jacques Simoneau, a quitté la banque, et M. Halde a dit vouloir rendre ses «processus plus simples, plus rapides, plus efficaces».

Le président a dévoilé hier un autre pan de sa stratégie en annonçant la création de trois nouveaux fonds à l'intérieur même de la BDC.

«Ces gens devront nous soumettre leurs thèses d'investissement. Et comme dans la vraie vie, nous allons voir si nous allons y investir», a expliqué M. Halde. Après quelques années «d'incubation», ces fonds seront lancés dans le vrai monde et pourront aller solliciter d'autres investisseurs.

Il n'y aura qu'un moyen de relancer l'industrie du capital-risque canadien et convaincre les investisseurs institutionnels d'y revenir, a conclu M. Halde. Et cette solution est simple: retrouver le chemin des profits.