Ottawa devrait empêcher l'acquisition de PotashCorp par BHP Billiton parce que les promesses des géants étrangers ne sont que des mirages, a martelé mardi le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall.

Selon lui, autoriser cette transaction de près de 40 milliards US équivaudrait à une trahison non seulement pour la Saskatchewan qui perdrait des milliards en redevances chaque année, mais pour le pays tout entier qui céderait le contrôle d'une autre de ses ressources naturelles à des intérêts étrangers.

M. Wall a souligné que le bilan d'Investissement Canada en matière d'acquisitions majeures n'était pas reluisant. Il a rappelé que des entreprises dont le géant brésilien Inco et l'Américain Steel Corp s'étaient engagés à créer ou à maintenir des milliers d'emplois au Canada avant de renier leurs promesses au premier soubresaut des marchés.

Le premier ministre de la Saskatchewan a répété qu'il était prêt à aller en cour pour empêcher BHP de mettre la main sur Potash, qui est le plus gros producteur de potasse au monde. Il bénéficie de l'appui de l'Assemblée législative de sa province ainsi que des premiers ministres de l'Alberta, du Manitoba et du Québec.

Ottawa a jusqu'à la fin de la journée de mercredi pour faire connaître sa décision sur la prise de contrôle. Des médias ont rapporté mardi matin qu'Industrie Canada recommandait au ministre Tony Clement d'autoriser la transaction parce qu'elle présentait un avantage net pour le pays.

M. Clement a démenti ces informations et assuré qu'aucune décision n'avait encore été prise par son gouvernement à ce sujet. Le ministre a d'autre part répété que le choix serait le sien et non celui du premier ministre Stephen Harper.

Ni Potash ni BHP n'ont fait de commentaires mardi.

Interrogé à ce sujet mardi, à Montréal, après qu'il eut pris la parole devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), le chef libéral fédéral Michael Ignatieff a pour sa part soutenu qu» «il ne faut pas perdre le contrôle de cette ressource naturelle», qui est stratégique.

«Nous pensons que c'est une erreur de laisser cet achat. Mais nous ne sommes pas protectionnistes; nous sommes pour l'investissement venu de l'extérieur, mais pas le contrôle de nos ressources», a-t-il objecté.

«Personne n'a de problème avec un investissement de l'extérieur. C'est une question de perdre le contrôle d'une ressource et puis ensuite de perdre le contrôle de l'emploi, de l'emplacement des sièges sociaux et ensuite les revenus de la Saskatchewan. Il y a beaucoup d'enjeux dans tout ça», a commenté le chef libéral fédéral.

Pour amadouer le gouvernement de la Saskatchewan, BHP a entre autres promis de rapatrier la direction de Potash dans la province et d'y maintenir le niveau actuel d'emplois. Le géant anglo-australien dit aussi vouloir trouver le moyen de compenser la Saskatchewan pour les redevances perdues.

D'après la firme UBS, le résultat des efforts de BHP est de plus en plus difficile à prédire. Dans une note aux investisseurs, la société explique qu'elle croit que la transaction devrait être approuvée sur la base de la réglementation en vigueur. Elle reconnaît toutefois que les facteurs politiques pourraient peser lourd dans la balance.

BHP offre 130 $ US par action de PotashCorp. Mardi après-midi, l'action de l'entreprise canadienne se transigeait à plus de 146 $. Dans ce contexte, le géant étranger pourrait être forcé de bonifier sa proposition.

Jusqu'à maintenant, Ottawa n'a bloqué qu'une seule transaction en s'appuyant sur la Loi sur Investissement Canada. Il s'agit de la tentative d'acquisition d'une division de MacDonald, Dettwiler and Associates par l'Américaine Alliant Techsystems, en 2008.