Nouveau pari risqué ou simple extension d'activités existantes? Les analystes ne s'entendent pas sur les intentions de SNC-Lavalin (T.SNC), qui a révélé avoir déposé une offre pour acquérir Énergie atomique du Canada limitée (EACL).





Le fait que les détails de l'appel d'offres lancé par Ressources naturelles Canada pour EACL soient tenus secrets alimente la machine à rumeurs. L'appel d'offres s'est terminé la semaine dernière, mais impossible de savoir quels morceaux de la société publique le gouvernement fédéral offre au privé, ni à quel prix et à quelles conditions.



À ce jour, SNC-Lavalin est la seule entreprise qui a déclaré avoir fait une offre. Certains médias ont parlé hier de «nouvelle voie» pour la firme de génie montréalaise, laissant entendre qu'elle veut relancer la technologie CANDU (pour Canada Deuterium Uranium) mise au point par EACL et la vendre dans les marchés où elle fait affaire en ingénierie.

«L'une des choses que SNC amène sur la table, outre la logistique et l'expertise liée à ce type de projets, c'est son réseau de contacts internationaux», a dit à La Presse Canadienne Neil Linsdell, de Versant Parners.

Mais son collègue Benoît Caron, de la Financière Banque Nationale, n'y croit tout simplement pas.

«On semble inférer à SNC une stratégie beaucoup plus cow-boy que ce à quoi la compagnie nous a habitués, dit-il. Ce n'est pas du tout l'intention de SNC-Lavalin de prendre la technologie CANDU et d'essayer d'aller concurrencer les Coréens, les Japonais, les Américains et les Français pour aller construire des réacteurs nucléaires au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord.»

Selon lui, le créneau visé par SNC-Lavalin n'est pas la vente de nouveaux réacteurs sur la scène internationale, mais plutôt la mise à niveau des réacteurs déjà existants, principalement canadiens, dont plusieurs commencent à vieillir.

«SNC n'est pas en train de changer son business du tout au tout», croit aussi Pierre Lacroix, analyste chez Valeurs mobilières Desjardins.

La firme montréalaise se refuse pour sa part à tout commentaire, affirmant qu'elle n'en a pas le droit. La porte-parole, Leslie Quinton, a tout de même indiqué à La Presse Canadienne que SNC pourrait «revoir sa stratégie» nucléaire si elle remporte l'appel d'offres, ce qui a fait croire qu'elle ne se contenterait plus de retaper des réacteurs existants, mais se lancerait aussi dans la construction et la vente.

En entrevue à La Presse Affaires, Mme Quinton a tenté de minimiser ces déclarations. «Si on réussit avec la soumission, évidemment que la stratégie va être différente de ce qu'on fait actuellement», a-t-elle dit, refusant d'en dévoiler plus.

Duane Bratt, professeur à la Mont-Royal University de Calgary et spécialiste de l'industrie nucléaire, croit que SNC-Lavalin est intéressée par la vente de réacteurs CANDU pour lesquels il voit encore un marché, notamment en Argentine et en Europe de l'Est.

Selon lui, SNC-Lavalin n'a toutefois «aucun intérêt» à continuer le développement du ACR-1000, une nouvelle génération de réacteurs développée par Énergie atomique mais qui prend du retard par rapport à ses concurrents. Les opérations de recherche et la production d'isotopes des installations de Chalk River, en Ontario, ne seraient pas non plus incluses dans l'appel d'offres. Selon M. Bratt, les grandes firmes internationales comme la française Arevea, l'américaine Westinghouse et la japonaise Hitachi ont démontré de l'intérêt pour EACL mais n'ont pas déposé d'offre formelle, estimant que le gouvernement fédéral ne laissera pas les firmes étrangères prendre le contrôle d'activités nucléaires au Canada. Il estime qu'outre SNC-Lavalin, l'exploitant ontarien de centrales nucléaires Bruce Power et peut-être la filiale canadienne de General Electric sont les seuls groupes susceptibles d'avoir déposé des offres pour EACL.