La majorité des Canadiens n'ont aucune marge de manoeuvre budgétaire et vivent d'un chèque de paie à l'autre.

Selon un sondage réalisé pour l'Association canadienne de la paie (ACP), 59% des employés canadiens éprouveraient des difficultés à remplir leurs obligations financières si leur paie leur était versée avec une semaine de retard.

Un sondage similaire mené l'an dernier durant la récession avait produit le même résultat. «Mais où il y a une démarcation, c'est dans la génération Y, chez les 18 à 34 ans, a souligné Richard Rousseau, président sortant de l'ACP. La proportion de ceux qui disent que sauter une paie serait dramatique est passée de 45% à 65%.»

Pire, cette proportion atteint 76% chez les ménages monoparentaux - une augmentation de 4% par rapport à l'an dernier.

Les planificateurs financiers recommandent pourtant un fonds d'urgence équivalant à trois mois de dépenses, précisément pour prévenir toute réduction ou perte temporaire de revenu.

«C'est très préoccupant, a indiqué Richard Rousseau. En vivant d'une paie à l'autre, on ne peut pas mettre de l'argent de côté.»

En effet, près de la moitié (47%) des travailleurs canadiens épargnent 5% ou moins de leur revenu après impôt, alors que les planificateurs prescrivent plutôt 10%. Consolation, cette proportion de 47% est en légère baisse par rapport aux 50% qu'affichait le même sondage en 2009.

Malheureusement, 58% des familles monoparentales ne parviennent à épargner que 5% ou moins de leurs revenus nets.

La bonne volonté y est, pourtant. Six travailleurs canadiens sur dix ont tenté d'économiser davantage que l'année précédente - un espoir déçu pour un tiers d'entre eux. Ils ont au moins le mérite de l'intention: 40% des employés canadiens n'ont même pas essayé.

Le sondage de l'APC s'est aussi enquis de l'usage d'un gain d'un million de dollars à la loterie. Pour 81% des répondants, le remboursement des dettes arriverait au premier ou deuxième rang des priorités. «C'est une forte augmentation de 11% par rapport à l'an dernier, s'est inquiété Richard Rousseau. Il y a donc une augmentation de la dette personnelle.»

Confirmation sur le terrain

«Ça ne me surprend pas», a commenté Caroline Arel, avocate et responsable du service de consultation budgétaire d'Option consommateurs. «Ça vient corroborer le fait que les gens n'ont pas de coussin de sécurité. Ils se fient au crédit.»

Non seulement le coussin de sécurité s'est-il aplati jusqu'à disparaître des moeurs, mais les ménages n'ont souvent pas de fonds de roulement. Caroline Arel définit celui-ci comme l'argent nécessaire au paiement des dépenses non récurrentes, mais inévitables et prévisibles - le permis de conduire ou la rentrée scolaire, par exemple. «Les gens ont tendance à payer les dépenses qui reviennent tous les mois, et ils dépensent le reste sans trop savoir où l'argent va. S'il faut, par exemple, payer l'immatriculation en octobre, ils n'ont pas l'argent nécessaire en banque.»

Elle recommande d'additionner l'ensemble des dépenses qui ne sont ni hebdomadaires ni mensuelles, et de diviser le total par le nombre de paies versées dans l'année. À chaque paie, cette somme sera automatiquement virée dans un compte d'épargne.