Le Québec et l'Alberta exhortent les autres provinces à prendre le temps qu'il faut pour soupeser les avantages et les inconvénients de l'adhésion à une éventuelle commission nationale des valeurs mobilières avant de s'engager auprès du gouvernement fédéral.

Dans une lettre adressée à leurs homologues, les ministres Raymond Bachand et Ted Morton martèlent que les provinces ne devraient pas se presser pour signer un document témoignant de leur appui au projet avant le 30 septembre, comme le souhaite Ottawa.

M. Morton souligne que cette date est «purement arbitraire» puisque les tribunaux n'ont pas encore eu l'occasion de se prononcer sur la constitutionnalité du projet du gouvernement fédéral de remplacer les commissions provinciales par un organisme de régulation unique vraisemblablement établi à Toronto.

La Cour d'appel du Québec, la Cour d'appel de l'Alberta et la Cour suprême du Canada doivent entendre les arguments des deux parties au printemps prochain.

Le Québec et l'Alberta mènent la charge contre le projet défendu par le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, avec l'appui indéfectible de l'Ontario, qui a le plus à gagner de la création d'un régulateur unique.

D'après MM. Bachand et Morton, parmi les autres provinces, certaines demeurent indécises. Or, leur signature sur ce qu'Ottawa appelle des «accords de développement» pourrait être interprétée comme une preuve de soutien au projet.

Ils font valoir que rien ne presse puisqu'un éventuel organisme de régulation ne serait mis sur pied qu'en 2012, au plus tôt.

«Le danger est bien réel: une fois les accords signés, Ottawa ne manquera pas de les brandir en disant qu'il a le feu vert des provinces, et ce, aussi bien devant l'opinion publique que devant les trois tribunaux qui doivent entendre l'affaire au début de l'année prochaine», a fait valoir le ministre Bachand à l'issue d'un discours devant des gens d'affaires de Calgary.

«Les provinces qui sont contre le projet d'Ottawa et celles qui demeurent indécises devraient garder ces faits à l'esprit et ne pas se sentir obligées d'agir à la hâte», a-t-il ajouté.

Les adversaires du projet de régulateur unique affirment que le système actuel a bien servi le Canada jusqu'à maintenant. Ils craignent notamment que la centralisation nuise aux petits émetteurs et aux petits investisseurs.

Ils affirment en outre que la création d'un organisme unique, placé sous la responsabilité du gouvernement fédéral, irait à l'encontre de la division des pouvoirs prévue dans la loi constitution canadienne.

D'après le ministre Bachand, une ingérence d'Ottawa dans ce domaine constituerait un dangereux précédent pour d'autres secteurs reliés aux finances tels que l'assurance et les caisses populaires, entre autres.

De son côté, Ottawa fait valoir que l'article 91.2 de la constitution, qui porte sur «le trafic et le commerce», devrait couvrir les valeurs mobilières.

Traditionnellement, celles-ci ont toujours été assimilées à l'article 92.13 portant sur «la propriété et les droits civils».

Présentement, le système canadien est une mosaïque de 13 agences provinciales et territoriales, situation que le gouvernement Harper estime gênante et inefficace même s'il se classe bien à l'échelle mondiale.

Les agences se coordonnent par l'entremise d'un régime de passeport qui fait en sorte que les démarches réglementaires d'une entreprise dans une province peuvent être reconnues par les autres. L'Ontario, où sont concentrés les grands émetteurs, refuse toutefois d'y participer.