Le Québec et les autres provinces devront faire preuve de plus d'«ambition» dans le cadre des négociations en vue de la conclusion d'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (UE), a prévenu jeudi le ministre du Commerce international, Peter Van Loan.

Dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne en marge d'une annonce à Montréal, M. Van Loan a souligné qu'au terme de quatre rondes de négociation avec les Européens, les parties allaient commencer à aborder les questions plus litigieuses lors de la prochaine série de rencontres, qui doit avoir lieu à Ottawa en octobre.

«Comme dans toute négociation, on commence avec les trucs faciles avant de passer aux questions plus difficiles, a-t-il déclaré. (...) J'espère que nous n'aurons pas à faire trop de compromis politiques, même si je sais que nous devrons prendre des décisions politiques.»

Le ministre a assuré que le gouvernement conservateur avait l'intention de défendre la gestion de l'offre, un système de quotas et de tarifs douaniers élevés qui protège les producteurs canadiens d'oeufs, de lait et de volaille.

Les agriculteurs québécois, qui profitent largement de ce régime, craignent vivement sa disparition.

«Tous les enjeux sont sur la table, a rappelé M. Loan. (...) Mais nous ne serons pas gênés de défendre la gestion de l'offre parce que c'est important pour nous. Je ne pense pas que cette question nous empêchera de signer un accord de libre-échange, parce que nous avons réussi à en conclure avec les États-Unis, la Colombie et le Pérou, entre autres, sans avoir à sacrifier la gestion de l'offre.»

Mais ce qui préoccupe le plus M. Van Loan à l'heure actuelle, c'est la volonté réelle des provinces de conclure un accord d'envergure avec l'UE. Pour la première fois dans le cadre de négociations commerciales, les gouvernements provinciaux sont présents à la table.

«L'une des choses qui pourrait nous nuire, c'est si certaines provinces ne sont pas aussi ambitieuses ou assidues qu'elles pourraient l'être», a affirmé le ministre.

«À chaque ronde, la situation est différente, a-t-il ajouté. Parfois, c'est une province qui traîne les pieds et une autre qui est très ambitieuse, puis vice-versa. Il n'y a pas un niveau soutenu de participation au sein des provinces. De façon générale, nous sommes satisfaits, mais il pourrait y avoir de l'amélioration à certains égards.»

Marchés publics

Et même si c'est le premier ministre Jean Charest qui a été le premier politicien à porter le projet d'un accord de libre-échange avec l'Europe, le Québec ne prêche plus par l'exemple.

«C'est moins (un blocage sur) des questions substantielles qu'une affaire de ton et de (manque) d'ambition», a commenté M. Van Loan en parlant de l'engagement du gouvernement du Québec dans les négociations.

La question qui suscite le plus les passions est la demande ferme de l'UE d'obtenir pour les entreprises de son territoire un large accès aux contrats accordés par les provinces et les municipalités canadiennes.

Les provinces de l'Ouest se montrent très favorables à l'idée, mais l'Ontario et le Québec se font tirer l'oreille, a laissé entendre M. Van Loan.

«Plus vous allez vers l'Ouest, mieux ça va», a résumé le ministre.

Il a fait remarquer que l'Ontario et le Québec avaient réussi à obtenir des exemptions dans le cadre du récent accord d'ouverture des marchés publics conclu avec les États-Unis (dans la foulée du Buy America Act), alors que l'Alberta et la Colombie-Britannique n'en avaient presque pas réclamé.

Par ailleurs, au-delà des questions épineuses de la gestion de l'offre et des contrats gouvernementaux, M. Van Loan s'étonne que les négociations avec l'UE ne suscitent pas davantage de remous, hormis quelques manifestations sporadiques.

«On pourrait presque dire que le problème avec cet accord, c'est qu'il n'y a pas assez de controverse», a-t-il ironisé.

Ottawa et Bruxelles espèrent avoir conclu un accord d'ici la fin 2011.

M. Van Loan a fait ces commentaires après avoir annoncé qu'Ottawa verserait un peu plus de 600 000 $ à 18 organisations communautaires du Québec pour les aider à attirer des investissements étrangers.