L'économie canadienne ralentit bien plus rapidement que prévu, a affirmé jeudi la Banque du Canada dans des prévisions qui évoquent les risques croissants liés à la crise des dettes souveraines en Europe et à la possibilité de voir la croissance mondiale s'immobiliser.

Mais le gouverneur de la banque centrale, Mark Carney, croit qu'il est peu probable que le pays ne sombre dans une seconde récession. Selon lui, les réactions des gouvernements pour gérer la crise des dettes en Europe et les engagements à restreindre les dépenses ont essentiellement écarté les pires scénarios.

«Ces réponses ont retiré (...) la possibilité que le fardeau de la dette n'entraîne quelque chose de très mauvais», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à la suite de la publication de ses prévisions économiques.

Ces réponses ont cependant pesé sur la reprise, ce qui ralentira la croissance mondiale en général, et celle du Canada en particulier, a-t-il poursuivi.

«(Mais) compte tenu du profil de la croissance dans les 3%, autant au Canada qu'aux États-Unis, la perspective de voir une récession à double fond est très faible», a affirmé M. Carney.

Pour le commun des mortels, les plus récentes prévisions économiques de la banque suggèrent que l'économie mettra plus de temps à se remettre de la récession de 2008-2009 et que la croissance des revenus sera plus lente que précédemment estimé. Le taux de chômage national, actuellement de 7,9%, a lentement retraité depuis l'été dernier, mais il pourrait s'écouler encore des années avant qu'il ne renoue avec ses niveaux pré-récession d'entre 6,0 et 6,5%.

Malgré tout, la Banque du Canada reste assez confiante pour assurer que son scénario de base pour la croissance - en vertu duquel elle a relevé son taux d'intérêt directeur d'un quart de point à deux reprises ces deux derniers mois - restera le même, signalant même que de nouvelles hausses du taux sont à prévoir.

«(La) projection intègre une réduction graduelle de la détente monétaire, compatible avec la réalisation de la cible d'inflation» de 2%, stipule la banque dans son rapport trimestriel sur la politique monétaire.

Le document de 32 pages fait clairement comprendre que le conseil de direction de la Banque du Canada observe une détérioration des conditions au Canada et autour du monde, par rapport à ses dernières prévisions, émises en avril, tandis que les risques s'intensifient.

L'économie canadienne connaît déjà un ralentissement prononcé par rapport à la force accélération de 6,1% vécue pendant les trois premiers mois de 2010, a noté la banque.

Celle-ci estime que la croissance du deuxième trimestre, qui vient juste de se terminer, s'établira à environ 3%, soit près d'un point de pourcentage en-deçà de ses prévisions d'avril.

Par ailleurs, le troisième trimestre actuellement en cours - qui s'étend de juillet en septembre - sera encore plus faible, avec une croissance anticipée de 2,8%. C'est sept dixièmes de point de moins que la prévision précédente.

Pour l'ensemble de l'année, la Banque du Canada s'attend à ce que l'économie du pays avance de 3,5%, et de 2,9% pour 2011.

Même si le marché de l'emploi a rebondi de façon marquée, la banque fait remarquer que le nombre d'heures travaillées est toujours à la baisse et que les gains au niveau des revenus seront tièdes dans les mois à venir.

Cela devrait amoindrir l'appétit des consommateurs pour les dépenses, et, conséquemment, affaiblir la reprise.

Les attentes de la banque centrale pour le dollar canadien restent modestes, dans la fourchette des 96 cents US, en raison de la stagnation de la demande mondiale et de la faiblesse des cours des matières premières exportées par le Canada.

La révision à la baisse des prévisions économiques du Canada est principalement attribuable au fait que les reprises mondiale et américaine ne sont pas aussi fortes qu'anticipé, a expliqué la banque. La croissance mondiale est maintenant estimée à 4,2% pour cette année, tandis que celle des États-Unis devrait être de 2,9%, toujours selon la Banque du Canada.

Ces nouvelles projections, inférieures à celles d'avril de plusieurs dixièmes de point, n'annoncent pas de récession à double fond, mais la banque centrale avertit que les risques de détérioration restent bien réels.

Et même si la banque note que ses prévisions pourraient autant être jugées optimistes que pessimistes, il est fort probable que les risques à la baisse fassent davantage les manchettes.

Les risques les plus importants émanent de la crise européenne, de la plus faible croissance en Chine, des hauts taux de chômage, de la perte de confiance, de la faiblesse de la demande des consommateurs et des hésitations des entreprises à faire des investissements.

«Certains des risques mentionnés dans le rapport d'avril se sont concrétisés. Plus particulièrement, les préoccupations au sujet de la dette souveraine en Europe se sont intensifiées», a affirmé la banque.