Dans sa croisade contre l'imposition d'une taxe bancaire internationale, une approche prônée par les États-Unis et de l'Union européenne, le Canada propose plutôt de faire assumer les risques d'une autre crise financière aux actionnaires des institutions financières.

Dans une offensive tous azimuts menée par le Canada mardi dans quatre villes du monde - Washington, Shanghai, Mumbai et Ottawa - des ministres du gouvernement Harper présents dans chacune de ces villes ont exprimé l'opposition du gouvernement et cherché des appuis à leur proposition.

À Ottawa, ce sont les ministres de l'Industrie, Tony Clement, et des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, qui ont fait état de l'opposition du gouvernement à la taxe bancaire.

En lieu et place d'une taxe, le plan du Canada prévoit que les banques devront constituer un fonds de contingence d'urgence par l'émission d'instruments de dette. En cas de difficultés financières, un mécanisme ferait en sorte que les actifs du fonds pourraient être convertis en actions ordinaires, générant ainsi du capital pour renflouer leurs coffres. Cela aurait aussi pour effet de diluer les actions des actionnaires, qui supporteraient ainsi les risques et les conséquences d'une crise financière.

«C'est de faire assumer par les actionnaires eux-même ces responsabilités. Au même titre qu'un actionnaire peut bénéficier des retombées d'un placement qui est bien fait, il devrait assumer la responsabilité des pertes, si pertes il y a», a expliqué M. Cannon.

Le ministre Clement croit que leur propre proposition aurait aussi pour effet de dissuader les banques de prendre des risques déraisonnables sur les marchés, parce qu'elles sont redevables à leurs actionnaires.

Les États-Unis et l'Union européenne, qui militent pour l'imposition d'une telle taxe, la voit comme une forme d'assurance collective, advenant la nécessité de venir en aide à nouveau aux banques.

Mais avec la mesure canadienne, ce sont les banques qui garderaient l'argent du fonds et non pas les gouvernements.

Outre ces éléments, le gouvernement Harper a fourni peu de précisions sur le fonctionnement du fonds de contingence.

Selon le ministère des Finances, ces détails doivent encore être finalisés. Le ministre des Finances, Jim Flaherty, doit par ailleurs envoyer une lettre à ses homologues des pays du G8 et du G20 pour étayer sa proposition, en vue des sommets de juin, où cette taxe sera vraisemblablement un sujet chaud.

La position du gouvernement, répétée notamment par le premier ministre Stephen Harper lundi lors d'une rencontre avec des jeunes, était de s'opposer à la taxe pour ne pas pénaliser inutilement les banques canadiennes qui n'ont pas contribué à la crise économique et pour ne pas faire supporter aux contribuables de coûteux sauvetages de banques.

Mardi, les ministres Clement et Cannon ont précisé que le Canada agissait ainsi pour protéger les consommateurs canadiens qui allaient fort probablement se faire refiler la taxe par leurs institutions financières. Ils craignent que les banques augmentent ainsi les frais de service.

Et alors que le Canada semble faire cavalier seul dans ce dossier, et affronte les deux poids lourds que sont les États-Unis et l'Union européenne, M. Clement a indiqué: «On ne se sent pas isolés. Il y a des pays, nous sentons qu'ils sont avec nous».

Appelé à préciser qui sont les alliés du Canada, M. Cannon a répondu qu'il est encore trop tôt pour faire une liste de pays.

Quant au ministre Flaherty, il a laissé entendre qu'il a l'appui de l'Inde, lors d'une conférence téléphonique de Mumbai avec les journalistes, dont un extrait a été diffusé mardi sur les ondes de la télévision anglaise de Radio-Canada.

L'ancien premier ministre Paul Martin a par ailleurs déclaré que M. Harper a tort de gaspiller son capital politique pré-sommets pour combattre une taxe bancaire internationale qui a peu de chance de devenir réalité.

Il faisait ainsi écho à ceux qui ont avancé que si les États-Unis et l'Union européenne insistent pour imposer une telle taxe, le Canada devra fort probablement plier.