La fois précédente, de 2006 à 2008 surtout, la montée du dollar canadien à la parité avec son voisin américain avait gravement embêté les entreprises exportatrices en raison de son ampleur et de sa rapidité.

Mais cette fois-ci, le nouvel épisode de vigueur du dollar canadien s'annonce moins difficile à assimiler après la récession sévère du commerce international subie depuis deux ans.

«C'est sûr que les entreprises exportatrices préféreraient un dollar canadien moins fort. Mais en comparaison du choc subi il y a quelques années, alors que le dollar était passé rapidement de 65 cents US à la parité, les entreprises sont mieux préparées cette fois-ci», résume Simon Prévost, PDG de l'Alliance des manufacturiers et exportateurs du Québec (AMEQ).

«En fait, les entreprises exportatrices se sont résignées depuis deux ans à fonctionner avec un dollar plus fort qu'auparavant, et qui pourrait le demeurer pour de bon.»

Chez le constructeur d'autobus urbains Novabus, notamment, on acquiesce à ce pronostic. «La montée du dollar en 2007 avait été difficile pour Novabus, en particulier pour la rentabilité de ses premiers contrats avec des transporteurs américains», indique Nadine Bernard, porte-parole de l'entreprise.

«Mais notre situation a beaucoup changé depuis. Nous avons ouvert une usine à Plattsburgh, ce qui nous a permis d'accroître considérablement la part de nos transactions en dollars américains. Tant pour la vente d'autobus à des transporteurs publics aux États-Unis que pour nos achats de pièces et composantes.»

Par conséquent, selon Mme Bernard, «la hausse du dollar canadien à la parité affecte peu Novabus cette fois-ci. Nos affaires sont mieux «balancées» entre les deux devises.»

Cela dit, selon Simon Prévost, de l'AMEQ, la remontée du dollar canadien augure de conséquences bien différentes dans certains secteurs de l'économie liés aux exportations.

Pour l'essentiel, les entreprises les plus à risque sont celles où un écart important persiste entre la part de leurs coûts, qui sont déboursés en dollars canadiens, et la part de leurs revenus, qui sont encaissés en dollars américains.

Simon Prévost cite en exemple les exportateurs de produits agroalimentaires et de produits forestiers, dont la grande majorité des coûts au Canada doivent être payés à même des revenus en dollars américains dépréciés.

Cette observation est corroborée par Frédéric Bouchard, principal analyste de l'industrie forestière au cabinet-conseil PricewaterhouseCoopers, à Montréal.

«La remontée du dollar canadien est en problème réel pour l'industrie forestière d'ici. D'une part, ça compromet ses espoirs de redressement financier au moment où certains prix ont enfin des soubresauts à la hausse. D'autre part, ça rehausse l'attrait des importations sur le marché canadien. Par exemple, on voit maintenant ici des produits de bois ouvrés d'origine américaine, comme des planchers, ce qu'on ne voyait pas auparavant.»

En contrepartie, selon Simon Prévost de l'AMEQ, les entreprises exportatrices les moins affectées par la remontée du dollar sont celles dont la production des biens et services vendus hors du Canada dépend beaucoup d'équipements et de composantes qui sont achetés avec des dollars américains.

Un exemple probant: Bombardier Aéronautique, dont le principal coût en dollars canadiens est constitué des salaires versés à ses employés au Canada. Le reste de ses coûts d'intrants et presque tous ses revenus de vente sont comptabilisés en dollars américains.

«La remontée du dollar canadien est aussi une nouvelle occasion pour les entreprises exportatrices d'investir en nouveaux équipements qui doivent être importés, ajoute Simon Prévost.

«Ça leur coûte moins cher qu'auparavant et ça demeure le meilleur moyen pour réduire notre déficit de productivité par rapport aux États-Unis.»