Si on détourne nos yeux un moment des déficits budgétaires des gouvernements, plus rien n'indique que le Canada était en récession encore l'hiver dernier.

Pour le cinquième mois d'affilée en janvier, l'économie canadienne cheminait sur la voie de la croissance. Le produit intérieur brut (PIB) réel mesuré par industrie a alors bondi de 0,6%, soit davantage que la prévision la plus optimiste, précise Statistique Canada.

De janvier à janvier, la variation du PIB est désormais positive, à hauteur de 1,3%.

Le secteur des services a maintenant dépassé de 1,3% son sommet d'avant la récession, grâce à un nouveau gain mensuel de 0,4%.

C'est toutefois celui des biens qui attire l'attention depuis quelques mois. En janvier, il a bondi de 1,3%, son meilleur score mensuel depuis septembre 2003. Ses gains mensuels sont d'au moins 0,5% durant les cinq derniers mois.

La fabrication a mené la charge tambour battant avec un bond de 1,9%. «L'industrie manufacturière impressionne en montant pour son cinquième mois de suite, une première depuis 10 ans», souligne Matthieu Arseneau, économiste à la Financière Banque Nationale.

L'agence fédérale précise même que 17 des 21 segments affichent une hausse, une des exceptions étant l'automobile qui avait néanmoins beaucoup avancé en décembre.

«Visiblement, ce secteur profite à plein de la reprise économique au sud de la frontière ainsi que de la vitalité de la demande intérieure au pays», renchérit Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins.

En un an, la production en usine a avancé plus vite que le segment de la construction qui a lui aussi bien fait en début d'année.

En décembre et novembre, le PIB avait avancé de 0,5% chaque fois. «C'est une allure annuelle étourdissante de 6,9%, estime Douglas Porter, économiste en chef adjoint chez BMO Marchés des capitaux. Durant les six derniers mois, la cadence dépasse les 5%, soit le rythme le plus rapide depuis le début de 2000 au sommet de la technobulle.»

Même avec un seul mois au trimestre et en supposant une improbable croissance nulle en février et en mars, la croissance trimestrielle annualisée s'établirait à au moins 4,0%. Les données préliminaires de février montrent la création de 21 000 emplois, des mises en chantier nombreuses et une poussée de l'activité touristique liée à la tenue des Jeux olympiques.

Bref, la prévision de croissance de 3,5% de la Banque du Canada paraît bien modeste. Cela sera le deuxième trimestre de suite qu'elle sous-estime la vigueur de la reprise de l'économie canadienne qui a toutes les apparences d'un grand V. Durant l'automne, le PIB a crû de 5,0% en rythme annuel.

La Banque n'est pas la seule à avoir péché par excès de prudence, elle à qui on a reproché son jovialisme à l'orée de la récession. La quasi-totalité des économistes ont revu à la hausse leur scénario de croissance pour l'année en cours depuis quelques semaines.

Sans être aucunement alarmantes, les perspectives sont toutefois moins brillantes pour la suite des choses quand le Canada amorcera la phase d'expansion du présent cycle, plus tard durant l'année.

Trois raisons expliqueront cet attiédissement, selon Diana Petramala, économiste au Groupe financier Banque TD. Primo, l'économie américaine n'est pas en voie de soutenir sa robustesse de l'automne. Deuzio, l'effet des plans de relance des gouvernements ira s'atténuant. Tercio, le marché de l'habitation canadien va s'attiédir en seconde moitié d'année. «Après deux trimestres de performance exceptionnelle, le rythme de croissance du PIB réel canadien va revenir à un rythme plus sain de 3,0 à 3,5% pour le reste de l'année.»