Le gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, a entrouvert la porte hier à une hausse du taux directeur avant juillet, une possibilité évoquée par de plus en plus d'observateurs depuis la publication des derniers chiffres de l'inflation vendredi.

«L'inflation mesurée par l'indice de référence a été un peu plus élevée que prévu, sous l'effet à la fois de facteurs temporaires et de l'intensification de l'activité économique», a déclaré M. Carney à la fin d'un discours portant sur la productivité prononcé hier devant l'Ottawa Economics Association.

Le mois dernier, l'indice de référence de la Banque, qui exclut les éléments les plus volatils de l'indice des prix à la consommation (IPC), a grimpé à 2,1% alors que les experts prévoyaient un repli. Si les Jeux de Vancouver ont fait bondir les prix de l'hébergement, d'autres éléments moins conjoncturels ont alimenté la cherté de la vie comme le prix des voitures et des primes d'assurance.

Dans sa décision du 2 mars de reconduire le taux cible de financement à un jour à 0,25%, la Banque avait réitéré son engagement à le maintenir à ce niveau plancher jusqu'à la fin de juin «sous réserve des perspectives actuelles concernant l'inflation».

Cette formule était reprise telle quelle depuis avril 2009.

Signal

Hier, M. Carney a changé de formule, nourrissant la spéculation que la Banque pourrait bouger plus vite: «Cet engagement est explicitement conditionnel aux perspectives en matière d'inflation», dont une mise à jour sera présentée le 22 avril.

M. Carney a relevé que la croissance avait été «étonnamment un peu plus dynamique» que prévu en janvier et que «les exportations se sont également redressées davantage à la faveur du raffermissement de la demande extérieure».

Statistique Canada publiera les données du coût de la vie de mars le 23 avril, ce qui fait croire à plusieurs que la Banque n'osera pas relever son taux avant le 1er juin, si elle jugeait trop fortes les pressions inflationnistes.

«La Banque est face à trois chocs par rapport à son scénario de janvier: la demande intérieure, la demande extérieure et l'inflation, analyse Yanick Desnoyers, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale. Sa prévision de croissance américaine de 2,5% est faible quand le consensus est supérieur à 3,0%. En juin, elle aura plus de munitions pour changer son scénario américain et bouger.»

Le rythme annuel de l'IPC était de 1,6% en février. En janvier, la Banque jugeait que sa cible de 2,0% ne serait pas atteinte avant l'été 2011. Cela paraît loin à la lumière des données récentes qui semblent aussi confirmer que l'écart de production, c'est-à-dire la différence entre la croissance réelle et la croissance potentielle avec 2% d'inflation, est plus petit que la Banque ne le juge.

Le gouverneur s'est d'ailleurs longuement attaché à relever les retards pris par les entreprises canadiennes en matière de productivité, en dépit des assouplissements fiscaux pour stimuler l'investissement. Cela a pour effet de diminuer aux environs de 2% le potentiel de croissance de l'économie plutôt qu'à 3% comme à la fin des années 90 et au début des années 2000.

«Compte tenu du décalage d'un an (entre un changement de taux et son effet réel dans l'économie), la Banque dispose de toute la justification nécessaire pour hausser son taux au deuxième trimestre», écrivaient Derek Holt et Karen Cordes, économistes chez Scotia Capitaux dans une note à leurs clients.

Hausse le 20 juillet?

L'expression «explicitement conditionnelle» n'est pas anodine, selon Éric Lascelles, stratège chez TD Valeurs mobilières, qui s'attend à une augmentation de la projection d'inflation. «Notre position courante plaide pour une première hausse de taux le 20 juillet, mais une décision dès le 1er juin ne peut plus être écartée, affirme-t-il. On pourrait même lui donner un niveau de probabilité de 50% (et peut-être plus).»

Chose certaine, le gouverneur n'entend pas badiner en matière d'inflation. «La détermination de la Banque à maintenir la stabilité des prix est inébranlable», a-t-il dit.