Le dollar canadien a frôlé la parité hier, face à sa contrepartie américaine, et ne semble pas près de battre en retraite. Si les manufacturiers du pays craignaient jadis les effets d'une devise forte, ils sont maintenant mieux préparés à faire face à la situation. Pendant ce temps, en Europe, la solidité de la monnaie unique continue d'être remise en doute face aux difficultés de la Grèce.

Le huard a continué son envolée, hier, allant jusqu'à regarder George Washington sur son billet vert presque droit dans les yeux avant de redescendre un peu.Le dollar canadien a touché un sommet de 99,31 cents US pendant la journée, son plus haut niveau en presque 20 mois, avant de clôturer à 98,98 cents US, en hausse de 0,36 cents.

«À tout moment, on va atteindre la parité, prédit Martin Lefebvre, économiste principal au Mouvement Desjardins. Et ça risque même d'être durable. De notre côté, on envisage qu'on pourrait rester au-dessus de la parité sur une période qui pourrait durer au moins un an.»

Craig Alexander, économiste en chef adjoint de la Banque TD, croit aussi que les Canadiens peuvent s'attendre à ce que le huard demeure «robuste pour une certaine période de temps».

Mardi, dans les bureaux de change montréalais, on changeait les billets verts américains à parité avec les dollars canadiens.

La petite poussée de fièvre d'hier peut s'expliquer par les commentaires de la Réserve fédérale américaine qui, la veille, avait signifié qu'elle garderait ses taux bas pour une «période étendue». Il semble maintenant clair que le Canada relèvera ses taux avant son voisin du sud.

«Ça donne des ailes au dollar canadien», dit Christian Dupont, directeur du développement des affaires du marché des devises chez Desjardins.

«Ce n'est pas seulement les commentaires de la Fed: c'est l'évolution de l'économie canadienne qui est nettement supérieure aux attentes depuis deux mois», dit toutefois Martin Lefebvre, de Desjardins.

Les cours du pétrole et des matières premières sont en hausse, ce qui soutient la hausse du dollar canadien. Le baril de pétrole a clôturé hier à 82,93$US à la Bourse des matières premières de New York, un gain de 1,23$US.

En fait, le dollar canadien est tout simplement devenu LA monnaie de ressources naturelles à la mode actuellement sur la planète, volant la vedette au dollar australien qui avait été jusque-là sur toutes les lèvres. L'Australie avait surfé sur sa proximité avec la Chine, mais les signes encourageants aux États-Unis ont braqué les yeux sur le Canada.

Pas de panique

Fait intéressant, la perspective de la parité n'a pas semé la panique chez les manufacturiers canadiens.

«En 2007, plusieurs s'étaient fait prendre mal préparés, commente Simon Prévost, président des Manufacturiers et exportateurs du Québec. Aujourd'hui, on est peut-être moins paniqués. Il y a eu une restructuration du secteur depuis trois ans. Ceux qui sont restés se sont faits à l'idée de la parité.»

«Ce que nous observons, c'est que les fabricants canadiens et les autres exportateurs apprennent à vivre avec un dollar élevé», a même dit hier le ministre fédéral de l'Industrie, Tony Clement.

«Il s'agit d'un changement de pensée radical qui reflète les changements dans l'économie canadienne. Le secteur manufacturier n'a tout simplement pas le même poids que par le passé», note David Watt, stratégiste en devises pour la Banque Royale.

Simon Prévost, des Manufacturiers et exportateurs du Québec, souligne que l'occasion est belle pour les exportateurs d'acquérir les équipements qui leur permettront d'augmenter leur productivité. Il déplore cependant que les banques soient réticentes à prêter aux plus petites entreprises, ce qui pourrait leur faire rater des occasions d'achat de matériel compte tenu que les coffres des entreprises sont dégarnis au sortir de la récession.

Même si la productivité a progressé de 1,4% au quatrième trimestre 2009, Martin Lefebvre, de Desjardins, refuse de se réjouir trop vite. Il croit que c'est le fait que les entreprises canadiennes aient augmenté leur production sans réembaucher, et non l'achat d'équipement, qui a fait grimper les chiffres.

«On n'est pas encore les champions de la productivité», avertit-il.

Selon le Conference Board du Canada, ce sont les entreprises des services, et non les manufacturières, qui sont les plus susceptibles à la volatilité du dollar car leur couverture internationale est souvent plus faible. Les industries du transport, de l'entreposage, du commerce de détail et de gros ainsi que l'information et la culture seraient ainsi les plus vulnérables, tandis que les minières et les pétrolières auraient des marchés assez diversifiés pour bien résister aux variations.

LE HUARD ET LES AUTRES DEVISES

UN DOLLAR CANADIEN VAUT...

Hong-Kong 7,69 dollars de Hong-Kong

Australie 1,07 dollar australien

Royaume-Uni 0,65 livre sterling

Japon 89,41 yens

Europe 0,72 euro

Suisse 1,04 franc suisse

Suède 6,99 couronnes suédoises

Mexique 12,34 pesos