La décision du gouvernement fédéral de cesser le financement de deux programmes sur les technologies vertes suscite la grogne chez les industriels du secteur, qui craignent que le Canada ne perde son attrait au profit des États-Unis dans ce marché en expansion.

Le dernier budget fédéral n'a pas accordé un cent aux programmes «Écoénergie pour l'électricité renouvelable» et «Technologies du développement durable Canada», deux projets qui ont pratiquement épuisé leurs fonds et qui risquent maintenant de s'éteindre.

«C'est décevant pour nous. C'est clair que ça ne vient pas favoriser le développement de nouveaux projets au Canada», dit Michel Letellier, président et chef de la direction d'Innergex, entreprise québécoise qui met au point des projets d'hydroélectricité et d'énergie éolienne.

Innergex a bénéficié du programme «Écoénergie pour l'électricité renouvelable», qui offre un cent du kilowattheure pendant 10 ans à ceux qui mettent au point des projets d'énergie propre au pays. Créé en 2007, le programme de 1,48 milliard de dollars a été victime de sa popularité et est pratiquement arrivé au bout de ses fonds.

«L'absence de financement fédéral pour les nouveaux projets d'énergie éolienne au Canada incitera de plus en plus d'investisseurs du secteur à abandonner le pays pour diriger leurs capitaux et leurs efforts de création d'emplois vers les États-Unis», prédit l'Association canadienne de l'énergie éolienne.

L'Institut Pembina, une organisation environnementale, estime qu'avec l'arrêt du financement fédéral, les États-Unis investiront bientôt 18 fois plus par habitant que le Canada en mesures d'encouragement financières destinées aux énergies vertes.

«Le gouvernement fédéral dit qu'il va s'harmoniser avec les États-Unis, mais la réalité, c'est que son incapacité à investir significativement dans les énergies renouvelables place le Canada derrière», dit Tim Weis, directeur des énergies renouvelables à l'Institut Pembina.

La Clean Air Renewable Energy Coalition, qui regroupe entre autres des pétrolières comme Shell Canada et Suncor Energy, s'est aussi dite «perplexe» de «l'absence d'engagement» du gouvernement fédéral envers les énergies renouvelables.

 

Un effet de levier

Khurram Malik, analyste en technologies propres pour la firme Jacob Securities, s'inquiète quant à lui de la fin éventuelle du programme «Technologies du développement durable Canada», qui soutient les technologies vertes qui sortent des labos pour les faire passer dans le monde industriel.

Sur les 550 millions consacrés au programme, 464 millions ont déjà été octroyés. Les fonds publics ont entraîné un effet de levier important, engendrant 1,1 milliard d'investissements supplémentaires.

«Il y a beaucoup de propriétés intellectuelles intéressantes qui voient le jour au Canada. Mais si on ne finance pas les inventions pour les faire évoluer, c'est en Californie et sur la côte Est américaine que ça va se faire», avertit M. Malik.

«Je crois qu'aussitôt que le contexte sera meilleur, le financement fédéral reviendra -c'est trop évident qu'il faut investir là-dedans. En entendant, il va y avoir une période noire», dit M. Malik.

«Ce qui est très décevant, c'est qu'il y a deux choix pour le gouvernement. Ou bien tu subventionnes l'énergie renouvelable qui est un peu plus chère, ou bien tu taxes le charbon. Là, on ne fait ni l'un, ni l'autre», déplore Michel Letellier, d'Innergex.

Selon l'analyste Khurram Malik, l'absence de programme fort au niveau fédéral viendra renforcer l'avance que l'Ontario a prise dans le secteur des énergies vertes.

La province voisine a en effet mis en place un programme de mesures d'encouragement extrêmement généreux qui a déjà attiré le géant coréen Samsung et la multinationale allemande Bosch.