«Ça arrive.»

Les allégations de délit d'initié concernant un chef de l'informatique chez Ogilvy Renault n'ont suscité aucune surprise chez les avocats du droit des affaires contactés par La Presse Affaires. Impossible, selon eux, de réduire à néant les risques d'une telle infraction, malgré les règles et mécanismes en place.

«C'est très dommage, mais c'est malheureusement quelque chose qui peut arriver dans bon nombre de bureaux d'avocats, dit Michel Lebeuf, associé en financement corporatif chez Langlois Kronström Desjardins. Lui (l'employé soupçonné) s'est fait prendre, mais tous les jours, il se produit de tels délits.»

 

«Ce n'est pas un phénomène inusité», dit un autre avocat montréalais joint par La Presse Affaires, qui a préféré qu'on ne l'identifie pas.

Il existe certes des règles de conduite mises de l'avant dans les cabinets, de même que des mécanismes de sécurité. Mais un troisième avocat a souligné les limites de cet encadrement.

«Il y a des mesures de confidentialité, des codes informatiques, une limitation du nombre de gens qui auront accès à l'information. Mais nous ne sommes jamais totalement à l'abri.» On ne peut empêcher quelqu'un de malhonnête d'utiliser une information sensible à son profit, ou de la refiler à un ami.

Aucun des trois avocats n'a jeté la pierre à Ogilvy Renault, qui a eu la bonne réaction de collaborer à l'enquête de l'Autorité des marchés financiers (AMF), note l'un d'eux. «Je ne pense pas qu'ils ont fait quelque chose de mal», ajoute-t-il.

Reste que le cabinet devra limiter les dégâts, croit notre deuxième avocat. «Ils mettront en place des mesures très énergiques qui seront publicisées auprès de la clientèle de fusions-acquisitions. Mais c'est clair qu'il y a un risque à la réputation.»

Vigie électronique

Les cabinets d'avocats, en dépit de toute leur bonne volonté, ne comptent pas sur un système de détection aussi solide que les institutions financières, dont plusieurs ont accès au compte de courtage de leurs employés.

Chez Valeurs mobilières Desjardins (VMD) comme dans d'autres institutions, il existe une obligation pour tous les employés de la firme et des personnes habitant sous le même toit d'avoir leur compte de valeurs mobilières chez VMD. «Ça nous permet de faire une vigie électronique de toutes les transactions de nos employés et d'identifier des profits considérables dans certains comptes», explique Sylvain Perreault, chef de l'exploitation et de la conformité. Si VMD soupçonne un cas de délit d'initié, elle le déclare aux autorités compétentes, assure M. Perreault.

VMD possède même un système de détection des courriels. Des mots codes permettent de voir si des informations privilégiées sont échangées. «Nous sommes très bien équipés en matière de détection de délits, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans une firme d'avocats», ajoute M. Perreault.

Les institutions financières (dont VMD, BMO et la Banque Nationale, à qui nous avons parlé hier) tentent aussi de réduire le risque en insistant, pendant la formation des employés, sur des principes fondamentaux assortis de sanctions dissuasives.

Les dirigeants doivent généralement obtenir une autorisation avant d'effectuer toute transaction boursière.

Du côté de la firme comptable Raymond Chabot Grant Thornton, «les règles d'indépendance prévoient que nous n'avons pas le droit de détenir des titres d'une entreprise dont la firme est le vérificateur», explique le directeur national des normes professionnelles, Gilles Henley. Les employés haut placés doivent déclarer tous les investissements, et la firme procède aussi à des vérifications de son côté.