Au programme: chaudes doudounes, promenades en traîneaux et froid glacial. Les ministres des Finances et gouverneurs des banques centrales du G-7 se retrouvent vendredi et samedi à Iqaluit, la capitale du territoire inuit du Nunavut, dans le grand Nord canadien. Un lieu choisi par Ottawa pour souligner sa souveraineté sur cette région, à l'heure où l'Arctique aiguise les convoitises.

Bourgade de 7 000 habitants, Iqaluit, sur l'île de Baffin, constitue a priori un lieu improbable pour une réunion des grands argentiers des pays du G-7 (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Canada).

La capitale du Nunavut, territoire de 35 000 habitants grand comme l'Europe de l'Ouest, affronte à cette période de l'année des températures moyennes de -32 degrés Celsius. Les blizzards (tempêtes de neige) peuvent frapper sans crier gare et durer une semaine.

Les hôtes canadiens de la réunion remettront aux ministres et gouverneurs des banques centrales de chaudes parkas. Les capacités d'hébergement seront suffisantes pour les délégations, mais les journalistes qui n'ont pas pu trouver de chambre d'hôtel seront logés dans des dortoirs scolaires ou chez des familles.

Une météo calme et ensoleillée est annoncée pour la fin de la semaine. Le gouvernement canadien a toutefois prévu de déplacer la réunion à Ottawa, à 3 200 kilomètres au sud, si jamais les conditions climatiques l'exigeaient.

Le ministre canadien des Finances Jim Flaherty reconnaît qu'outre le fait de montrer les charmes du Nunavut («Notre terre» en inuit), le Canada veut envoyer un message diplomatique avec ce G-7. «C'est l'une des priorités de notre gouvernement, l'affirmation de notre souveraineté dans l'Arctique», explique-t-il.

La fonte des glaces liée au réchauffement climatique libère des couloirs dans l'océan offrant un nouvel accès à des ressources naturelles et à des routes maritimes arctiques. Le premier ministre canadien Stephen Harper a fait de l'Arctique une priorité et veut accroître la présence militaire canadienne le long du Passage du Nord-Ouest, entre l'Atlantique et le Pacifique, pour le cas où il deviendrait une voie navigable régulière.

Le Canada estime que ce passage, qui serpente entre les îles arctiques du grand Nord canadien, lui appartient, alors que les États-Unis et d'autres pays le considèrent comme une zone internationale. Par ailleurs, le Canada et le Danemark revendiquent chacun l'îlot de Hans à l'entrée orientale du Passage. De l'autre côté de l'Amérique du Nord, la frontière maritime entre l'Alaska et le Canada est également la source d'un contentieux.

Iqaluit «est un lieu idéal pour accueillir un G-7 afin de montrer à la communauté internationale que l'Arctique canadien fait partie du Canada», déclare la ministre canadienne de la Santé Leona Aglukkaq, premier membre inuit du gouvernement fédéral. «Il existe une menace sur la souveraineté du Canada dans l'Arctique», note de son côté le professeur Robert Bothwell, de l'université de Toronto.

Le Canada prend la question au sérieux. Ottawa compte étoffer sa flotte de brise-glaces et construire de nouvelles installations militaires dans l'Arctique, dont un port en eaux profondes. Une réunion du gouvernement s'est tenue l'an dernier à Iqaluit et l'armée conduit des manoeuvres dans la région.

La Russie, qui ne cache pas son intérêt pour l'Arctique, n'a pas été conviée dans la capitale du Nunavut, alors qu'elle assiste parfois aux G-7 comme observateur. Des responsables russes ont exprimé en privé leur déception de ne pas avoir été invités. Aucune raison n'a été avancée pour expliquer cette non-invitation.

Jim Flaherty espère renouer avec l'ambiance informelle des premiers G-7 des années 1970. Il souhaite emmener ses homologues ministres des Finances faire du traîneaux à chiens et les réunir autour d'un feu de cheminée pour une conversation décontractée.

«Cela peut sembler surprenant d'aller là-bas en hiver, mais c'est en fait la plus belle période de l'année pour y aller car c'est tellement spectaculaire», a-t-il souligné. «J'ai hâte de les emmener faire du traîneau à chiens.»

Le dépaysement sera peut-être aussi être culinaire. De la viande de phoque devrait en effet être au menu des grands argentiers, même si l'Union européenne a interdit l'importation des produits dérivés du phoque pour des raisons éthiques. «J'espère qu'elle sera servie et que les gens auront un aperçu de ce que nous mangeons dans le nord», a déclaré Mme Aglukkaq.