L'avoir des ménages canadiens a été beaucoup moins malmené par la récession qu'ailleurs en Occident. Jouant de prudence, beaucoup d'entre eux ont quand même fait provision de liquidités.

Cependant, il serait désormais plus sage de les faire fructifier en investissant dans des véhicules de placement plus performants, et plus à l'abri de l'impôt et de l'inflation.

Le prix des maisons ne s'est pas effondré au pays, comme c'est le cas chez nos voisins. Cela aura permis à la plupart des Canadiens de dormir en paix et de maintenir leur train de vie, comme en font foi, par exemple, les ventes au détail qui ont progressé en 2009 par rapport à 2008.

«Ce qu'on sait moins, c'est jusqu'à quel point l'épargne-retraite a recouvré le gros de ses pertes et combien elle pourrait gonfler avec la campagne REER (régime enregistré d'épargne-retraite) qui bat son plein», estiment Derek Holt et Karen Cordes, dans une note intitulée «Une année record pour l'épargne-retraite canadienne?»

Au troisième trimestre de 2009, dernière compilation de Statistique Canada, l'épargne-retraite (y compris celle hors REER) avait récupéré la quasi-totalité des 55 milliards de dollars perdus depuis son sommet de 2007.

Entre-temps, les ménages ont accumulé près de 1000 milliards en liquidités, dont les deux tiers ne sont pas parqués dans des dépôts à terme. Cela équivaut aux deux tiers des revenus annuels des ménages après-impôt et à 70% de leurs dépenses de consommation.

Le gros de cet argent est resté dans des fonds du marché monétaire, en encaisse ou obligations d'épargne. C'est un coussin prudent en cas de coup dur comme la perte de son emploi, mais mal justifié à moyen terme. Cette épargne rapporte peu et le gain modeste qu'elle génère reste dans la mire du fisc.

«Comme la reprise nourrit la confiance, la volonté de déplacer de l'épargne qui dort dans des abris fiscaux va grandir», font-ils valoir. D'autant qu'accumuler de l'argent sous le matelas n'a pas de sens à long terme, ne serait-ce qu'à cause de l'inflation.

Ceux qui ont eu l'audace ou le flair de placer leur argent l'an dernier ont été bien servis puisque les rendements ont été très intéressants.

«Si on investit dans sa retraite à long terme, on n'a pas besoin de liquidités, ni de placement dans le marché monétaire», rappelle Gaétan Ruest, directeur général de la planification stratégique de portefeuille chez Investors.

Deux abris fiscaux, équivalents à long terme, sont à la portée des épargnants: le régime enregistré d'épargne-retraite (REER) et le compte d'épargne libre d'impôt (CELI).

Le CELI est disponible depuis l'an dernier seulement. Il permet de déposer jusqu'à 5000$ par année dans le véhicule de placement de son choix à l'abri de l'impôt. L'argent peut être retiré sans condition et sans pénalité.

Un adulte canadien sur quatre s'en est prévalu en 2009, mais la proportion pourrait grimper à quatre sur cinq cette année, selon un sondage mené en décembre par Investors.

L'argent déposé dans un REER est déductible d'impôt tout comme son rendement. Ce n'est qu'au moment du retrait qu'il devient un revenu imposable, à moins de l'utiliser en tout ou en partie comme mise de fonds pour l'achat d'une première maison.

La chute boursière de 2008, la deuxième de la décennie, aura cependant traumatisé beaucoup d'épargnants, des Québécois surtout. Selon un autre sondage, mené pour le compte de la firme Franklin Templeton, plus de neuf Québécois sur dix n'ont pas profité de la remontée des marchés boursiers, amorcée en mars 2009. Pire, les deux tiers des répondants québécois ne croient pas investir cette année non plus. La proportion est inférieure à 60% en Ontario et à 50% dans les provinces de l'Ouest.

Le scepticisme québécois est difficile à expliquer, d'autant plus que la récession a frappé plus fort l'ensemble du Canada que sa société distincte.

Pourtant, il se vérifie aussi dans l'indice de confiance des consommateurs du Conference Board du Canada. À l'échelle canadienne, il a bondi en janvier de 13,8 points, à 96,6, un sommet en 24 mois. Au Québec, le gain est plus modeste, de 9,4 points, à 82,9, plaçant la Belle Province dans le wagon de queue.