L'Agence du revenu du Canada vient de subir en cour une défaite particulièrement lourde de conséquences contre GE Capital Canada. D'abord, le fisc fédéral se voit priver de 47,7 millions de dollars. Ensuite, cette décision fera jurisprudence pour la quinzaine de dossiers actuellement en cour sur la question des prix de transfert.

La décision de la Cour canadienne de l'impôt permettra aux filiales canadiennes de continuer à déduire les frais versés à leurs sociétés mères étrangères lorsque celles-ci garantissent leurs prêts. Dans le cas de GE Capital Canada, l'entreprise canadienne faisait garantir ses prêts par sa société mère aux États-Unis, GE Capital, qui exigeait des frais équivalant à 1% du montant des prêts. GE Capital Canada avait ainsi déduit 136,3 millions de dollars entre 1996 et 2000.

Selon un expert, le taux d'imposition d'une société comme GE Capital Canada est d'environ 30%. La déduction de 136 millions aurait ainsi permis à l'entreprise d'épargner environ 40,9 millions de dollars en impôts. GE Capital Canada contestait aussi une cotisation fiscale additionnelle de 6,8 millions de dollars.

Au total, la décision du juge Robert Hogan permet à GE Capital Canada d'épargner environ 47,7 millions en impôts entre 1996 et 2000, une somme non confirmée par GE Capital Canada.

Le juge Hogan a conclu que les frais versés à GE Capital étaient raisonnables et équivalents à ce qu'aurait versé GE Capital Canada à une tierce partie pour garantir les prêts permettant de financer ses activités.

Décision attendue

La décision de la Cour canadienne de l'impôt rendue le 4 décembre dernier était attendue avec impatience dans les milieux d'affaires canadien et américain.

Selon des experts, le fisc se servait pour la première fois de la Loi de l'impôt sur le revenu pour contester la déduction de frais versés à une société mère étrangère en échange d'une garantie de prêt. Cette stratégie est répandue chez les filiales canadiennes. «Les gens du milieu suivaient cette cause de près. Si le tribunal avait donné raison au fisc, des entreprises auraient eu à changer leur structure de financement ou peut-être se financer à un coût plus élevé», dit Peter Blessing, avocat à la firme Shearman&Sterling à New York.

L'article 247 de la Loi de l'impôt sur le revenu permet de déduire les frais versés à sa société mère, à condition que le montant soit raisonnable. «Selon la loi, vous ne pouvez pas déduire davantage qu'un montant qui aurait été payé par une entité indépendante de l'emprunteur. Nous prétendions que des frais de 1% étaient raisonnables et le juge nous a donné raison après avoir entendu les témoins des deux parties», dit Al Meghji, avocat de GE Capital Canada.

Selon François Vincent, avocat à la firme KPMG et expert dans les questions de prix de transfert, la position de l'Agence du revenu du Canada dans le dossier GE Capital Canada est contraire aux principes des traités fiscaux de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), organisme international dont le Canada est membre. «On ne comprend pas la position de l'Agence, dit-il. C'est absurde. À sa face même, la position du Canada semblait aller à l'encontre du principe de pleine concurrence selon lequel il faut traiter les parties à une transaction comme si elles étaient indépendantes l'une de l'autre.»

La décision de la Cour canadienne de l'impôt est d'autant plus importante qu'une quinzaine de litiges similaires à celui de GE Capital Canada, dont un impliquant la Banque HSBC, attendent d'être tranchés en cour. «La plupart de ces dossiers vont se régler avant d'aller en cour», pense François Vincent.

L'Agence du revenu du Canada a jusqu'au 5 janvier prochain afin de porter la décision du juge Hogan devant la Cour fédérale d'appel. «Nous examinons le dossier et ne ferons aucun commentaire avant l'expiration du délai d'appel», dit Caitlin Workman, porte-parole de l'Agence du revenu du Canada.