Le régime de passeport des valeurs mobilières est entré en vigueur hier dans toutes les provinces canadiennes. Toutes sauf une: l'Ontario, qui se range derrière le projet fédéral de commission nationale.

Dorénavant, un courtier en valeurs mobilières, un gestionnaire de portefeuille ou une entreprise cotée en Bourse qui s'inscrira auprès de l'Autorité des marchés financiers du Québec (AMF) sera accrédité dans toutes les provinces canadiennes sauf en Ontario, qui aura 24 heures afin de reconnaître ou non l'accréditation québécoise. Le contraire n'est pas vrai: l'accréditation ontarienne sera valide automatiquement partout au pays. D'où le régime à deux vitesses. «L'Ontario va continuer à approuver manuellement les demandes du Québec. Il y a un engagement à approuver les demandes dans un délai de 24 heures», précise Sylvain Théberge, porte-parole de l'AMF.

«Nous aurons effectivement 24 heures afin de prendre une décision, mais nous travaillerons de concert avec l'AMF tout au long du processus de traitement des demandes, dit Christopher Jepson, avocat principal de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Le système d'interface informatique rendra ce travail très facile.»

L'implantation du régime de passeport pancanadien a lieu alors que le Québec commence une bataille juridique contre le projet fédéral d'une commission nationale des valeurs mobilières. Hier, le ministre des Finances du Canada, Jim Flaherty, n'a pas voulu commenter l'entrée en vigueur du régime de passeport. Son homologue québécois, Raymond Bachand, qui conteste devant la Cour d'appel du Québec la légalité d'une commission nationale créée sans son accord, lui a sommé à nouveau d'abandonner. «Le régime mis en place pour encadrer les marchés financiers fonctionne très bien et (...) le projet fédéral de légiférer le domaine des valeurs mobilières et de créer une commission unique, en plus d'être inconstitutionnel, est inutile», a dit le ministre Bachand par voie de communiqué.

La nouvelle réglementation en valeurs mobilières ne fait pas qu'attiser les querelles constitutionnelles. Plusieurs règles ont été resserrées afin de protéger les investisseurs. Les fonds d'investissement privés, devenus très populaires dans les années 2000 alors qu'ils achetaient des entreprises à crédit, devront s'enregistrer dans une province. Auparavant, les fonds d'investissement privés n'entraient pas dans la compétence des autorités provinciales de valeurs mobilières. Autres nouveautés: les fonds d'investissement privés doivent conserver un minimum de 100 000$ dans leurs coffres à titre de garantie, détenir des assurances plus complètes, déposer leurs états financiers et se doter d'un chef de la conformité. Selon l'AMF, environ 80 nouvelles firmes d'investissement privé tombent ainsi sous sa juridiction, sans compter les quelque 300 à 600 nouveaux courtiers et gestionnaires de ces firmes qui devront aussi s'inscrire.

Selon l'AMF, la nouvelle réglementation sera plus sévère sur le traitement des plaintes et les conflits d'intérêts, mais plus simple sur le plan administratif. «Ce règlement allège le fardeau réglementaire des intervenants, tout en améliorant la protection du public», a dit Raymond Bachand, ministre des Finances.