La spectaculaire hausse cette semaine du prix du gaz naturel n'a rien changé. Pas encore du moins. À Red Deer, en plein coeur de l'Alberta, votre meilleure chance de voir des foreuses, c'est de vous rendre dans le parc industriel. Comme leurs propriétaires, elles attendent que les forages reprennent, victimes des prix du gaz déprimés.

Chez Schlumberger, la cour est pleine de ces grandes grues et autres camions. Il y en a presque autant chez un autre foreur, High Artic, une image qui fait penser au carré de sable plein de camions Tonka de notre enfance. Mais pour l'industrie, c'est loin d'être un jeu: cette semaine, il y avait du travail pour tout juste une foreuse sur six en Alberta, selon des chiffres de l'association canadienne des foreurs.

Chez Rezone Well Servicing, le faciès de la réceptionniste en dit long quand on lui demande comment vont les affaires. Cette face-là ou un grand «bof!», c'est du pareil au même.

Dave Malone, le président de Rezone, se compte chanceux même si sa flotte de huit foreuses n'est utilisée qu'à 40% ces temps-ci, contre 80% en temps normal. La raison: ses appareils ne forent pas les trous initiaux, mais servent à entretenir ceux déjà creusés. Un secteur qui résiste mieux que le forage initial, selon lui.

Installé en Alberta depuis 36 ans, il a vécu quatre ralentissements. «Celui-ci est le pire», tranche-t-il.

Il en veut au gouvernement provincial d'avoir annoncé une hausse des redevances exigées des compagnies pétrolières et gazières. «Tu peux baisser les redevances et tu as du monde qui travaille. T'as moins d'argent des redevances, mais ils paient des impôts, les travailleurs.»

L'automne dernier, quand il a senti venir la tempête, il a stoppé toute dépense en capital et réduit les salaires de ses 60 employés de 15%. Le sien aussi, précise-t-il. Et il les a avertis de ne pas faire de folles dépenses, que les temps allaient être difficiles.

Le ralentissement est tel que ses tarifs ont baissé de 30%. Comme ses travailleurs sont payés à l'heure et qu'ils sont majoritairement jeunes, il craint qu'ils ne se trouvent un travail dans un autre domaine. «Je vais perdre leur expertise parce qu'ils auront besoin de payer leur épicerie», dit-il.

Selon le président de la Chambre de commerce de Red Deer, Mike Axworthy, c'est ce printemps qu'on a constaté l'ampleur du ralentissement. Les entrepreneurs ont du même souffle réalisé qu'ils n'avaient pas d'autres endroits où aller. «Si l'activité est faible en Alberta, parfois, des gens vont au Kazakhstan, en Russie ou en Alaska. Mais pas cette année», constate-t-il, le ralentissement se faisant sentir partout.

Chez BMO Marché des capitaux, l'expert en énergie Shane Fildes ne s'attend pas à une reprise du marché du gaz avant l'automne prochain. Pour que les stocks reviennent à leur niveau moyen des cinq dernières années, «il faudrait qu'on ait l'hiver le plus froid des 10 dernières années», explique le chef du secteur énergie, section des investissements et services aux grandes entreprises de BMO.

Main d'oeuvre disponible

Retour au centre-ville de Red Deer, cette ville champignon à mi-chemin entre Calgary et Edmonton. Karen Miller y est propriétaire d'un petit café. Pour elle comme pour bien d'autres dans le secteur des services, le ralentissement a un bon côté.

Elle se rappelle l'époque pas si lointaine où la main d'oeuvre était rare. «Partout où on allait, on voyait des affiches disant que les entreprises embauchaient», dit-elle.

En mai, ayant besoin d'un coup de main, elle a fait paraître une petite annonce dans le journal. «Le téléphone n'a pas arrêté de sonner pendant des jours.»

Avec un taux de chômage qui atteint maintenant le 7,4% et 56 000 emplois perdus depuis le début de la récession en Alberta, la pénurie de main d'oeuvre dont on a tant parlé est assurément passée... en attendant le prochain boom!

Trois facteurs qui jouent contre le gaz

- Les stocks américains, à des niveaux record

- La récession, qui réduit la demande

- Les nouvelles découvertes de gaz non conventionnel, qui augmente l'offre