Certains économistes et dirigeants de petites entreprises craignent que Michael Ignatieff soit en train de restaurer des réformes à l'assurance-emploi qui ont été catastrophiques pour l'économie et qui ont coûté cher au Parti libéral, il y a 38 ans.

Le chef du Parti libéral presse le gouvernement minoritaire de Stephen Harper d'adopter une norme nationale de 360 heures -ou neuf semaines- pour pouvoir être admissible aux prestations d'assurance-emploi.

Ces changements ressemblent beaucoup à ceux qui avaient été mis en vigueur par les libéraux sous Pierre Trudeau en 1971. A cette époque, le Parti libéral avait adopté une norme de huit semaines pour pouvoir être admissible aux prestations d'assurance-emploi. Cela avait eu pour conséquence de faire augmenter le chômage saisonnier à des taux jamais atteints auparavant et avait contribué à faire perdre au gouvernement Trudeau son statut majoritaire à la Chambre des communes aux élections de 1972.

Selon l'économiste de l'Université d'Ottawa, David Gray, la politique adoptée en 1971 était catastrophique et répéter cette expérience aujourd'hui serait désastreux pour l'économie canadienne.

A l'époque, les réformes du ministre du Travail de l'époque, Bryce Mackasey, avaient été jugées comme étant la cause de l'augmentation du taux de chômage d'un ou de deux points de pourcentage. Le nombre de travailleurs saisonniers avait également augmenté. Les employeurs modifiaient les contrats de leurs employés, qui travaillaient alors les huit semaines requises avant de faire une demande d'assurance-emploi.

La présidente de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI), Catherine Swift, croit quant à elle que la réforme avait fait doubler instantanément le nombre de pêcheurs saisonniers puisque du jour au lendemain, l'assurance-emploi était disponible.

La FCEI, qui avait dénoncé ces réformes dans les années 1970, lutte à nouveau contre l'idée d'imposer une norme nationale de 360 heures. Selon Mme Swift, cette proposition est «tout simplement ridicule».

Celui qui était président de la FCEI lorsque Trudeau a imposé ces changements, John Bulluch, est quant à lui incrédule. Pour lui, l'histoire se répète sans que les libéraux aient appris leur leçon.

Mais le Parti libéral soutient qu'il a fait ses devoirs et qu'il a inclus des mesures afin d'éviter une répétition de ce qui est arrivé.

Par exemple, la norme nationale de 360 heures ne serait qu'une mesure temporaire. Elle ne serait plus en vigueur lorsque l'économie aura repris du mieux et qu'elle aura permis la création d'emplois.

La députée libérale de Notre-Dame-de-Grâce-Lachine, Marlene Jennings, croit que cela ne créera pas de «distorsion» auprès de la main-d'oeuvre et dans l'économie si cette mesure est temporaire. Mme Jennings fait parti du groupe de travail bipartisan mandaté pour négocier les réformes à l'assurance-emploi.

Néanmoins, M. Gray ainsi que l'analyste politique du C.D. Howe Institute, Colin Busby, sont d'accord avec la demande de Michael Ignatieff d'avoir une seule norme nationale pour être admissible à l'assurance-emploi. Actuellement, les travailleurs sont admissibles en fonction du taux de chômage local.

Ces deux experts estiment toutefois qu'il faudrait augmenter le nombre minimum d'heures travaillées à plus de 420 heures, qui est la norme actuelle.