La minière canadienne Teck Resources avait besoin d'argent frais. Le principal fonds souverain chinois, riche de quelque 190 milliards US, cherche à distribuer son capital dans le secteur des ressources naturelles. Des conjoints idéaux pour un mariage de raison officialisé hier.

China Investment Corporation (CIC) investit environ 1,7 milliard de dollars pour mettre la main sur une part équivalente à 17,2% du capital de Teck. Une entrée de fonds qui vient soulager une des dernières grandes minières canadiennes, étouffée par les dettes d'acquisition contractées juste avant la crise financière.

Au cours d'une conférence téléphonique avec les dirigeants de Teck, les analystes n'ont pas caché leur enthousiasme pour cette transaction, certains adressant même des félicitations à la direction de l'entreprise.

Les investisseurs ont partagé cet enthousiasme. Le titre a grimpé de 8% pour clôturer à 19,99$ à la Bourse de Toronto, quelques heures après avoir momentanément franchi les 21$. Le titre vivotait encore sous les 3,50$ au début du mois de mars.

Effet «très positif»

Le président et chef de la direction de Teck, Don Lindsay, a souligné «l'effet très positif» et immédiat de la transaction sur les finances de la société. Les fruits de la contribution de CIC seront entièrement consacrés au paiement de la dette de la minière, déjà atténuée par la vente de plusieurs actifs et les coupes de 1400 postes (13% de l'effectif) au début de l'année.

En achetant les actifs de Fording Canadian Coal Trust, l'an dernier, Teck (qui produit du zinc, du cuivre et divers autres métaux), a contracté un prêt-relais de 5,8 milliards et un prêt à terme de 4 milliards. Le placement de CIC permettra d'effacer le solde du prêt-relais, qui était dû en octobre, et de diminuer la dette à terme d'environ 1,5 milliard.

Teck avait récemment fait savoir qu'elle n'avait pas l'intention d'émettre des actions, mais l'arrivée de CIC dans le portrait représentait une «occasion attrayante pour Teck d'établir une relation avec un investisseur chinois majeur, avec une compréhension profonde de la Chine», selon les mots de Don Lindsay. La Chine est déjà le plus gros client de Teck pour la plupart de ses produits principaux, et la transaction devrait créer d'autres opportunités pour Teck dans l'Empire du milieu.

«CIC est un investisseur aux poches profondes qui pourrait potentiellement participer à de futurs projets de développement, a ajouté M. Lindsay en conférence téléphonique. Nous savons qu'ils sont très enthousiastes par rapport au secteur des ressources.»

Selon le communiqué publié hier, CIC a fait savoir à Teck qu'elle agirait en tant qu'investisseur passif. La centaine de millions d'actions sur lesquelles CIC met la main (à un prix de 17,21$ chacune) sont d'ailleurs des actions de classe B, qui ne représentent que 6,7% des droits de vote de l'entreprise. La famille Keevil reste donc en contrôle, et aucun représentant de CIC ne siégera au conseil de l'entreprise.

Le fonds souverain a aussi accepté de garder ses actions pendant au moins un an, et de ne pas les revendre par la suite à un acteur du secteur minier. CIC promet également de ne pas acquérir davantage d'actions de Teck.

La transaction doit être complétée le 14 juillet prochain.

La stratégie chinoise

China Investment Corporation est un fonds souverain à vocation principalement financière. Il possède des participations dans plusieurs institutions financières chinoises, de même que dans quelques institutions étrangères comme Morgan Stanley (10%).

En février, dans le sillage de la crise financière, plusieurs informations laissaient croire que CIC allait désormais porter son attention sur le secteur des ressources. Rien de surprenant, estime Charles Huot, directeur général du Groupe des actions institutionnelles chez BMO Marchés des capitaux.

«Cela correspond à un désir de la Chine de se diversifier, explique-t-il. Au lieu d'acheter des bons du Trésor américain, elle se demande ce qui est essentiel à son économie. Elle se munit des matières premières dont elle a besoin pour s'assurer que s'il y a une relance, elle ne soit pas coincée.»

Depuis le début de l'année, les entreprises chinoises ont investi massivement dans le secteur des ressources naturelles et de l'énergie. Elle a notamment mis la main sur 45,5% de Singapore Petroleum Company et sur la plupart des actifs de la minière australienne OZ Minerals.