À l'approche des vacances estivales, le huard est en chute libre, ayant perdu 5,5 cents US face au dollar américain ce mois-ci. Pour les Québécois qui prendront bientôt d'assaut les plages de la Nouvelle-Angleterre, il y a un coupable tout désigné: Mark Carney, gouverneur de la Banque du Canada.

Le banquier en chef du pays veut que le huard s'affaiblisse par rapport à la devise de l'Oncle Sam. Pas que Mark Carney veuille que les Canadiens paient plus cher pour leurs vacances aux États-Unis, mais il craint plutôt qu'un dollar canadien trop fort ralentisse la reprise économique attendue pour l'automne.

 

«On a pu constater que M. Carney est devenu plus loquace lorsqu'il a vu le dollar canadien monter, dit Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale.

M. Marion fait remarquer qu'un dollar fort peut miner la reprise économique.

«M. Carney ne semblait pas content de la montée du dollar cette année, dit François Barrière, vice-président du développement des affaires du marché des devises à la Banque Laurentienne. La Banque du Canada tente de baisser les taux pour faire repartir l'économie, mais la hausse du dollar canadien lui complique la vie.»

Mark Carney verra vraisemblablement son souhait exaucé - du moins pour la période estivale. Selon les experts consultés par La Presse Affaires, le huard continuera sa descente cet été pour atteindre un creux entre 83 et 85 cents US. Le dollar canadien, qui s'échangeait hier à 86,77 cents US, a perdu plus de 5 cents US depuis son sommet annuel de 92,5 cents US établi le 2 juin. «Les marchés présument que la Banque du Canada ne semble pas confortable avec le niveau actuel du dollar canadien et pourrait prendre des mesures pour y remédier», dit Christian Dupont, directeur du développement des affaires du marché des devises au Mouvement Desjardins.

Christian Dupont croit que la baisse estivale du huard sera surtout attribuable à la baisse des marchés boursiers. Que viennent faire le TSX et le Dow Jones dans la chute du huard? «Le dollar canadien a la réputation de bien performer quand l'aversion au risque est faible, dit Christian Dupont. En contrepartie, il performe moins bien quand les investisseurs hésitent à prendre des risques, comme c'est le cas lors d'un ralentissement boursier.»

Le spécialiste du marché des devises reconnaît l'ironie de la situation: ce sont surtout les difficultés de l'économie américaine qui causent cette incertitude nuisible au dollar canadien et favorable au billet vert de l'Oncle Sam. «Ça va un peu à l'encontre de l'analyse fondamentale, mais c'est parce que le dollar américain a été une valeur de refuge assez exceptionnelle depuis le début de la crise», dit Christian Dupont. Au plus fort de la crise, entre le 22 septembre et le 28 octobre dernier, l'indice du dollar américain (US Dollar Index) a gagné 15,8% contre un panier de cinq autres devises, dont le dollar canadien.

L'Europe plus attrayante

Les Québécois qui s'envoleront pour le Vieux Continent cet été auront plus de chance: le dollar canadien devrait tenir le coup, voire s'apprécier, par rapport à l'euro. Hier, le huard s'échangeait 0,616 euro, une baisse de seulement trois centimes depuis le début du mois. Pendant la même période, le dollar canadien reculait de six cents et demi par rapport au dollar américain.

Selon François Barrière, le dollar canadien pourrait gagner un centime additionnel cet été. Stéfane Marion est encore plus optimiste: le huard devrait gagner cinq centimes cet été pour se maintenir à 66,7 cents euro. Une hausse qui n'est pas tellement attribuable à la rigueur du dollar canadien qu'aux problèmes immédiats de l'économie européenne. «Les perspectives de reprise économique sont plus lentes en Europe qu'aux États-Unis», dit l'économiste en chef de la Banque Nationale.

Pour le taux de change avec le dollar américain, les experts consultés par La Presse Affaires s'entendent tous sur une fourchette entre 83 et 85 cents US. Rien à voir avec les deux derniers étés passés près de la parité (95 cents US en moyenne en 2007 et de 97 cents US en 2008).

François Barrière doute toutefois que la faiblesse du huard éloigne les Québécois des plages de la Nouvelle-Angleterre cet été. «Mon chalet dans le Maine me coûtera un peu plus cher cette année à cause des fluctuations de devises, mais on m'a offert un rabais de 50%, dit le vice-président du développement des affaires du marché des devises à la Banque Laurentienne. C'est le temps de voyager car il y a des aubaines aux États-Unis.» Comme quoi il n'y a pas que le taux de change dans la vie, même pour ceux qui passent leurs journées à analyser les fluctuations des devises!