Le gouvernement Harper a jeté hier les premières bases d'une commission unique des valeurs mobilières malgré la vive opposition de certaines provinces, dont le Québec.

Le ministre des Finances, Jim Flaherty, a annoncé la création d'un bureau de transition qui aura comme mandat de diriger les efforts visant à créer un tel organisme, en particulier les pourparlers avec les provinces.

Ce bureau de transition sera dirigé par Doug Hyndman, qui occupe les fonctions de président de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique depuis 1987. Il sera secondé par Bryan Davies, qui est président du conseil d'administration de la Société d'assurance dépôts du Canada depuis 2006. Auparavant, il était directeur général et surintendant de la Commission des services financiers de l'Ontario.

Le bureau de transition entreprendra ses travaux le 13 juillet. Après avoir consulté les provinces, il devra rédiger un projet de loi créant le nouvel organisme de réglementation de concert avec les fonctionnaires du ministère des Finances et celui de la Justice. Il devra aussi produire un plan de transition dans un délai d'un an, lequel devra être approuvé par les provinces qui accepteront de se joindre à la commission nationale.

En conférence de presse hier, le ministre Flaherty a répété que les provinces auront le choix de participer ou non à la création d'une cette nouvelle commission.

Mais il a dit souhaiter que toutes les provinces embarquent dans ce projet qui permettra, selon lui, d'intervenir plus rapidement selon l'évolution du secteur financier. Une commission nationale permettra aussi au Canada de parler d'une seule voix sur la scène internationale, de mieux répondre aux besoins des investisseurs et d'éliminer des barrières à l'intérieur des frontières canadiennes.

«Nous n'avons pas l'intention d'imposer quoi que ce soit à quiconque. Les provinces et territoires qui veulent participer sur une base volontaire pourront se joindre à la Commission nationale des valeurs mobilières», a dit M. Flaherty.

Dans le passé, plusieurs provinces s'opposaient à ce qu'Ottawa crée une commission nationale, estimant qu'il s'agissait d'un domaine de compétence des provinces. L'Alberta, le Manitoba, la Colombie-Britannique et le Québec avaient vivement manifesté leur désaccord. Mais certaines de ces provinces, dont la Colombie-Britannique et l'Alberta, ont changé leur fusil d'épaule. Le Québec, toutefois, continue à maintenir que le gouvernement fédéral tente de s'immiscer d'une compétence qui est la sienne.

Le gouvernement Charest a d'ailleurs brandi la menace de porter l'affaire devant la Cour suprême s'il le faut pour empêcher Ottawa d'aller de l'avant.

La semaine dernière, le critique libéral en matière de Finances, John McCallum, a indiqué qu'un gouvernement libéral dirigé par Michael Ignatieff demanderait à la Cour suprême du Canada de statuer si la réglementation des valeurs mobilières relève de la compétence d'Ottawa ou des provinces.

Selon M. McCallum, cette démarche devant le plus haut tribunal du pays permettrait de régler une fois pour toutes le litige qui persiste entre le gouvernement fédéral et le Québec au sujet de la création d'une commission nationale des valeurs mobilières

Changement de cap

Pour le Parti libéral du Canada, il s'agit d'un changement de cap dans ce dossier. Dans le passé, les principaux ténors libéraux, dont John McCallum, ancien ministre du Revenu, et Ralph Goodale, ancien ministre des Finances, se sont prononcés en faveur de la création d'une commission unique.

Hier, le ministre Flaherty a indiqué que ces éventuelles démarches devant les tribunaux ne contrecarreront pas les plans du gouvernement fédéral. Il a indiqué avoir en main des avis juridiques confirmant qu'Ottawa a un rôle à jouer dans la réglementation des valeurs mobilières.

«La crise financière mondiale a montré que la réglementation est une responsabilité que les pays partagent. Nous devons continuer à éliminer à cet objectif commun, y compris ceux présents dans notre pays», a dit M. Flaherty, ajoutant que projet d'Ottawa respecte les compétences des provinces et les intérêts des différentes régions.

Le Bloc québécois et le NPD ont réagi avec colère à l'annonce du ministre des Finances.

«C'est de la provocation pure et simple. Les conservateurs savent très bien que l'Assemblée nationale s'est prononcée à plusieurs reprises et unanimement contre cette initiative. Le ministre l'annonce la première journée où les Communes ne siègent pas. C'est pourtant quelque chose qui est très clair au plan constitutionnel. Cela relève des compétences de provinces», a affirmé le député bloquiste Pierre Paquette.

Le député néo-démocrate Thomas Mulcair s'est pour sa part dit «outré» de voir que le ministre Flaherty ait attendu la fin de la session parlementaire pour annoncer ses plans.

«Quel courage du ministre Flaherty de faire cela le premier jour où le Parlement ne siège pas. Qui plus est, il le fait à 15h, le jour des élections partielles (pour l'Assemblée nationale) au Québec pour s'assurer que cela ne fasse pas partie du débat pendant la campagne», a dit M. Mulcair.

Il a ajouté que cette décision d'Ottawa entraînera la mort lente de l'Autorité des marchés financiers du Québec puisque les entreprises vont préférer s'inscrire auprès d'une commission nationale lorsqu'elle verra le jour.