En admettant hier que le déficit budgétaire pour l'année en cours allait dépasser les 50 milliards de dollars, le ministre des Finances Jim Flaherty établit un triste record: son nom sera associé au pire déficit nominal de l'histoire canadienne.

L'abysse précédent appartient au progressiste-conservateur Don Mazankowski qui avait signé en 1993 un budget où les dépenses excédaient les revenus de 42 milliards.

Lui-même inscrivait cette triste marque en défonçant le creux de 38 milliards établi par Marc Lalonde en 1984.

Les budgets Lalonde et Mazankowski ont été présentés au moment où le Canada sortait de récessions peut-être encore plus graves que celle qui l'afflige aujourd'hui.

M. Flaherty s'était engagé cet hiver à créer cinq déficits d'affilée qui devaient totaliser 84,8 milliards. Celui de l'exercice en cours avait été fixé à 33,7 milliards.

Depuis, Ottawa a accepté de compenser l'Ontario pour l'harmonisation de sa taxe de vente à la TPS fédérale.

Ottawa lui versera en tout 4,3 milliards en 2010 et 2011, qui viendront s'ajouter aux déficits fédéraux déjà annoncés de 29,8 et de 13 milliards pour les années fiscales 2010-2011 et 2011-2012.

À ce rythme, le cap des 100 milliards en cinq ans est déjà franchi.

Mais même à 50 milliards cette année, le budget de M. Flaherty représente un fardeau moins lourd que celui de M. Lalonde car la taille de l'économie canadienne est bien plus grande. Les 38 milliards de l'ex-ministre libéral correspondaient à 8,6% du PIB exprimé en dollars courants. Celui de M. Flaherty représentera environ 3,3% et près de 4%, s'il devait se creuser jusqu'à 60 milliards.

Celui de Washington dépasse les 10%.

M. Flaherty a l'avantage de gérer la récession au moment où les finances publiques font l'envie des autres pays.

Vendredi encore, le Fonds monétaire international n'avait que de bons mots pour le Canada. «Les administrateurs (du FMI) ont félicité le Canada de ses résultats macroéconomiques remarquables, de la solidité de son cadre d'action et de sa démarche anticipatoire face à la crise», lit-on dans leur note d'information au public. Ils ont appelé les autorités à rester vigilantes et à se tenir prêtes à agir si (d)es risques peu probables se matérialisaient.»

Déclin démographique

À moyen terme, le Canada reste confronté à son déclin démographique. Il réduira le potentiel de croissance de notre économie, à moins qu'il ne soit compensé par des gains de productivité. Au cours des dernières années, ces faibles gains ont représenté le point le plus faible du bulletin économique du pays.

«Pour revenir à l'équilibre, le gouvernement devra récupérer l'argent qu'il a beaucoup dépensé alors que le potentiel diminue, note d'ailleurs Yves Saint-Maurice, économiste en chef adjoint au Mouvement Desjardins. Cela suppose donc une diminution des dépenses et/ou une augmentation de la taxation.»

On mesure ici mieux l'ampleur du dégât fiscal causé par l'abaissement de la TPS. Dans son énoncé budgétaire de janvier, le ministre Jim Flaherty estimait que la baisse de un point de pourcentage entrée en vigueur le premier janvier 2008 l'avait privée de 11,9% de revenus à ce chapitre. En fait, de 2007-2008 à 2009-2010, les recettes de la TPS passent 29,9 milliards à 25,8 milliards, soit un manque à gagner sur deux ans de quelque 7,8 milliards.

Il faut en fait au moins doubler ce chiffre puisque c'était la deuxième baisse de la TPS annoncée par le gouvernement de M. Harper.

Cela dit, la brutalité de la récession s'est fait sentir surtout durant l'hiver, soit pendant l'année financière 2008-2009. Le léger déficit de 1,1 milliard annoncé en janvier pour cette année s'est sans doute alourdi.

Il n'est pas non plus impossible que la reprise apporte, plus tard cette année, des recettes dont M. Flaherty ne voit pas l'ombre aujourd'hui. «Tout reste conditionnel à l'état de l'économie canadienne au deuxième semestre, souligne Stéfane Marion, économiste en chef à la Financière Banque Nationale.