Les négociations en vue d'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (UE) commenceront le 6 mai, soit 15 ans après que l'idée eut été lancée par l'ex-premier ministre Jean Chrétien.

L'annonce a été faite hier par la commissaire au Commerce de l'Union européenne, Catherine Ashton. Les pourparlers, prévoit-on, dureront deux ans environ.

 

«Si on devait dépasser ce délai, les gens commenceraient à devenir nerveux», expliquait hier en entrevue Jason Langrish, directeur général du Forum sur le commerce Canada-Europe (FORCCE), un groupe formé en 1999 par des entreprises et des organismes de recherche pour valoriser les échanges entre les deux pôles commerciaux.

Jean Charest, la bougie

En font partie des sociétés telles Alstom, Areva ou Siemens du côté européen, Bombardier, CGI et Power Corporation du côté canadien. FORCCE est coprésidé par l'ex-ministre fédéral du Commerce international, Roy McClaren, et par l'ancien éditeur du magazine The Economist, William Emmott.

«Si la situation débloque enfin, c'est en bonne partie grâce aux efforts de Jean Charest, poursuit M. Langrish. Il a exploité ses bons contacts avec Nicolas Sarkozy, le président français.»

Le dernier sommet du FORCCE s'était déroulé le 17 octobre dernier à Québec.

La conclusion d'une zone de libre-échange avec le Canada gagne de l'attrait du côté européen depuis le report sine die de la ronde de Doha, lancée par l'Organisation mondiale du commerce au début de la décennie.

La consolidation des liens commerciaux entre les grandes puissances d'Asie rend plus nécessaire un rapprochement de l'UE avec le Canada pour y faire contrepoids. Les 27 ont déjà un accord avec le Mexique, mais n'en ont pas avec l'autre partenaire du Canada au sein de l'ALENA (Accord de libre-échange nord-américain), les États-Unis.

Les négociateurs devront surmonter plusieurs embûches avant d'en arriver à un accord formel. L'imprimatur de la France exigera que ne soit pas modifiée la politique agricole européenne qui la favorise. Ces dernières années, les litiges commerciaux entre le Canada et la France ont été assez nombreux. L'Hexagone a longtemps fait obstacle aux exportations canadiennes de pétoncles qui menaçaient sa production de coquilles Saint-Jacques. Les Français en ont contre nos tarifs douaniers élevés sur leurs fromages, en raison des politiques canadiennes agricoles de gestion de l'offre.

Les barrières non tarifaires devront aussi être abattues. Ainsi, certains membres de l'UE exigent que le bois importé ait été coupé dans le cadre d'une exploitation forestière respectueuse de leur conception de l'environnement. Les 27 souhaitent en revanche que le Canada n'ait qu'une seule commission de valeurs mobilières de manière à simplifier l'investissement, ce qui est loin d'être acquis.

En 2007, la valeur des échanges commerciaux entre les deux ensembles se chiffrait à 80 milliards de dollars. Cela peut sembler beaucoup. En réalité, cela équivaut à peine aux échanges internationaux de biens réalisés par le Canada durant un seul mois ou à ceux entre le Canada et les États-Unis durant une cinquantaine de jours.

Néanmoins, le Canada a exporté l'an dernier des biens évalués à plus de 8 milliards dans l'UE, son deuxième marché. Ses grands débouchés y sont l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et la France. Nous vendons surtout du minerai, des métaux et des avions.

Le Canada achète en Europe, d'abord au Royaume-Uni, mais aussi en Allemagne, en France, en Italie et en Suède. Il importe surtout du pétrole, des médicaments, des produits chimiques et des boissons.

De 2007 à 2008, les importations du Canada en provenance de l'UE ont progressé de 21,6%, alors qu'elles ont stagné avec les États-Unis. Nos exportations y ont bondi de 25%, alors que celles vers les États-Unis ont reculé de 7,6%, selon Statistique Canada.

Le commerce du Canada avec les 27 est déficitaire, mais l'écart tend à se combler doucement.

Le Canada a aussi des accords de libre-échange avec le Chili, le Costa-Rica et Israël.