Les entreprises devraient tout faire pour éviter les licenciements en dépit de la crise, a soutenu mardi le président et chef de la direction du Cirque du Soleil, Daniel Lamarre.

En marge d'une allocution prononcée devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, M. Lamarre a déploré que la récession «crée une psychose collective» qui fait en sorte que les décideurs «ne bougent plus».

Et souvent, a-t-il ajouté, les entreprises recourent en premier aux mises à pied, comme s'il s'agissait du «seul remède» pour faire face à la crise.

«Les gens anticipent que ça va tellement aller plus mal que tout le monde planifie en fonction d'une décroissance», a relevé le PDG.

«On ne peut pas juste abdiquer: il me semble qu'il faut faire des choses.»

Même s'il est dans une catégorie à part, le Cirque du Soleil n'échappe pas aux effets de la crise. Les revenus du géant du divertissement reculeraient à Las Vegas en 2009 s'il n'y présentait pas un spectacle de plus que l'an dernier (Believe de Chris Angel), a reconnu Daniel Lamarre. Le Cirque présente actuellement six spectacles dans la capitale du jeu.

En janvier, le grand patron a convoqué ses vice-présidents et leur a demandé de trouver des façons de sabrer les dépenses, sans pour autant passer par des mises à pied.

«J'ai dit: 'il faut serrer nos coûts', a-t-il relaté. Evidemment, c'est facile: la première chose qui te vient en tête, c'est de congédier du monde. (...) J'ai dit aux gestionnaires: «pourquoi on ne se donne pas un défi, pourquoi on n'essaie pas de couper ailleurs que dans les jobs?» Je trouverais ça valorisant de sauver des jobs.»

En comprimant notamment l'important budget voyages du Cirque, qui totalise plusieurs millions de dollars par année, la direction croit pouvoir réduire ses dépenses totales de plus de 10 pour cent en évitant les licenciements. Des projets «qu'on aurait faits dans des temps normaux» ont été remis à plus tard.

«En toute franchise, j'ai été surpris de la réaction de nos employés», a confié M. Lamarre, en rappelant que le personnel comprend souvent mieux la situation que les cadres ne se l'imaginent.

Une telle démarche n'est pas nécessairement applicable à toutes les entreprises, a admis Daniel Lamarre. Il a toutefois souligné que les sociétés cotées en Bourse pourraient avoir intérêt à l'employer. La chute généralisée des marchés représente selon lui «une belle chance»: comme tout est remis en question, l'occasion est idéale de viser des objectifs à moyen terme plutôt qu'à court terme.

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Par ailleurs, Daniel Lamarre ne voit pas d'un mauvais oeil le report de deux spectacles permanents - l'un à Macao et l'autre à Dubaï - en raison de la situation économique. Le Cirque a déplacé le premier, mis en scène par René Simard, à New York, où il prendra l'affiche du Radio City Music Hall en 2010. Quant à celui de Dubaï, il n'est pas annulé: on se donne jusqu'à la fin de l'année pour décider de la date de la première.

M. Lamarre ne s'attend pas à ce qu'Istithmar World et Nakheel se départissent de la participation de 20 pour cent qu'ils ont acquise dans le Cirque en août dernier, malgré leurs difficultés financières. Le quotidien britannique Financial Times rapportait la semaine dernière que les fonds émiratis songeaient à vendre des actifs pour rembourser une partie de leurs dettes.

«C'est décrit à Dubaï comme étant leur meilleur investissement, alors je pense qu'ils sont extrêmement contents d'être chez nous», a commenté Daniel Lamarre.

Pour l'instant, outre le ralentissement à Vegas, l'entreprise québécoise ne pâtit pas trop de la récession. En Espagne et à Atlanta, où la crise frappe particulièrement fort, les spectacles du Cirque affichent complet. On profite d'une flexibilité inégalée, à tout le moins pour ce qui est des spectacles de tournée.

Le Cirque tentera cet automne une percée en Russie avec le spectacle Varekai, puis en 2010 avec Corteo. L'objectif est d'y établir un spectacle permanent d'ici trois à cinq ans.

«Si ça ne marche pas dans la ville où je suis, eh bien je plie bagage et je vais ailleurs», a lancé M. Lamarre.

Le Cirque, qui célèbre cette année son 25e anniversaire, emploie 4500 personnes, dont 1800 à son siège social de Montréal. Depuis ses débuts, pas moins de 100 millions de spectateurs ont vu ses créations, pour des revenus de billetterie totaux dépassant les 7 milliards $.