Le rapport de Statistique Canada sur l'état de l'économie canadienne fait onze pages. Onze pages de mauvaises nouvelles. Et ce n'est qu'un début, ont lancé hier en choeur une flopée d'économistes.

«Il ne faut pas chercher trop de positif là-dedans, on n'en trouve pas beaucoup», résume l'économiste senior de Desjardins, Benoit Durocher.

Commençons donc avec le gros chiffre: l'économie canadienne a reculé de 3,4% sur une base annualisée au quatrième trimestre. On peut se consoler en remarquant que c'est mieux (ou «moins pire») que les États-Unis (-6,2%), l'Union européenne (-5,9%) ou même le Japon (-12,7%). C'est mieux aussi que les prévisions des économistes sondés par Bloomberg, qui s'attendaient à un recul de 3,6%.

Mais - parce qu'il y a un gros mais - le problème vient des données mensuelles: plus 2008 progressait, plus le recul s'accélérait. «C'est un peu comme si quelqu'un avait coupé l'interrupteur de l'économie canadienne après octobre», écrit l'économiste senior de CIBC Marchés mondiaux, Avery Shenfeld.

Et la switch, une fois fermée, est bien difficile à rouvrir. Les Canadiens auront besoin d'une reprise aux États-Unis avant d'espérer une amélioration de la situation économique de ce côté-ci de la frontière, explique M. Shenfeld. «On n'entendra probablement pas de bonnes nouvelles d'ici la fin de l'été», explique-t-il au bout du fil.

L'économiste de Desjardins a une autre image: «L'économie canadienne a commencé l'année à genoux.» M. Durocher souligne comme plusieurs de ses confrères que la demande intérieure canadienne, considérée jusque-là comme un «pilier de croissance», a décroché à la fin de 2008. «Le pilier s'est effondré.»

En fait, cette demande intérieure, qui comprend notamment les dépenses des entreprises et des consommateurs, a retranché 4,8 points de pourcentage au PIB de l'automne.

Des stocks qui pèsent lourd

À la fin de 2008, l'économie canadienne avait accumulé des stocks pour 66 jours de vente. À la fin septembre, c'était plutôt 64 jours. Ces stocks devront être réduits avant une éventuelle relance. «Le fait que les entreprises vont ajuster davantage leurs stocks, ça va freiner encore la croissance économique, au moins pour le premier trimestre et peut-être même pour les trimestres à venir», estime M. Durocher.

Chez BMO Marché des capitaux, l'économiste en chef Sherry Cooper avance même le chiffre de 6% de baisse pour le trimestre en cours, soit tout près du premier trimestre de 1991 (-5,9%), qui est à ce jour la pire performance trimestrielle depuis qu'on tient de telles données, en 1961.

Déjà, les profits des entreprises ont reculé de 20% par rapport au troisième trimestre (ou 59,3% en rythme annualisé).

En ce qui concerne le Québec, la presque totalité des prévisionnistes s'attend à ce que le début d'année 2009 soit pire que la fin de 2008, selon un sondage publié hier par l'Association des économistes québécois (lire à ce sujet la chronique de Claude Picher).

Face à ce sombre scénario, les Canadiens se sont mis à économiser dès la fin de l'année dernière. Ils ont mis de côté pas moins de 45 milliards. «Ce niveau d'épargne personnelle, écrivent les économistes de Statistique Canada, le plus élevé depuis le quatrième trimestre de 1995, a donné lieu à un taux d'épargne de 4,7%.» Il faut remonter à 2002 pour trouver pareil taux.

Les voitures

Un des achats que les ménages canadiens n'ont pas fait? Une voiture. Les dépenses pour les véhicules neufs et d'occasion ont reculé de 5,5% l'automne dernier. C'est le troisième trimestre de suite pendant lequel on enregistre une baisse. Comme l'hiver dernier avait été bon, l'année 2008 se conclut avec une hausse de 3,7%.

Les voitures affectent aussi beaucoup les exportations canadiennes, qui baissent pour le sixième trimestre de suite. Une première depuis 60 ans, quand on a commencé à compiler de telles données.

Sauf que les voitures jouent aussi dans la colonne des importations. Et les importations, celles de voitures comme les autres, coûtaient plus cher cet automne, en raison de la baisse de 14% du huard en trois mois. Résultat, les Canadiens ont acheté moins de produits importés et la balance commerciale canadienne s'est améliorée. Au net, elle a donc contribué à réduire le recul de l'économie.

Et les dépenses de l'État?

Depuis qu'il est clair que l'économie canadienne ralentit, plusieurs économistes et politiciens ont vanté le bien des travaux d'infrastructure pour relancer l'économie. À la fin de 2008, les dépenses des administrations gouvernementales ont augmenté de 3,2% en rythme annualisé. «On a besoin de plus que ça», souligne l'économiste de Desjardins.

Et on a aussi besoin, dit-il, d'une baisse de 50 points de base des taux directeurs par la Banque du Canada dès ce matin.

-3,4%

Baisse du PIB au 4e trimestre, sur une base annualisée.La plus forte contraction depuis 1991.

0,5%

Croissance du PIB canadien en 2008. En 2007, la hausse était de 2,7%.

-20%

Après presque sept ans de hausse, les bénéfices des sociétés ont reculé de 20% au quatrième trimestre par rapport au troisième.

45 milliards

Il s'agit de l'épargne personnelle des Canadiens pendant les trois derniers mois de 2008, en hausse de 15 milliards par rapport aux trois mois précédents. À 4,7% le taux d'épargne est à un sommet depuis 2002.

77,44¢ US

Le dollar canadien a reculé de 1,16¢ US hier à la suite de la publication de ces données.