Les récessions frappent davantage les hommes que les femmes. Depuis le mois d'octobre, deux fois plus d'hommes que de femmes ont perdu leur emploi au Canada, même s'ils sont à peu près aussi nombreux sur le marché du travail.

«C'est un peu normal parce que les hommes sont plus nombreux dans les secteurs plus touchés, comme le secteur manufacturier, explique Vincent Ferrao, analyste à Statistique Canada. Les secteurs plus féminins, comme le commerce de détail, l'éducation et la santé, sont beaucoup moins touchés par les cycles économiques. Auparavant, les pertes dans le vêtement et le textile, où les femmes sont majoritaires, tempéraient ce phénomène, mais c'est un secteur beaucoup moins important en chiffres absolus ces dernières années.»

 

Anne Bourhis, professeure de ressources humaines à HEC Montréal, ajoute que les premiers commerces à être touchés par les récessions - ceux qui vendent des biens durables comme l'électronique, les meubles et l'automobile - sont davantage masculins.

Au Canada, les récentes pertes d'emplois se chiffrent à 166 000 chez les hommes et à 47 000 chez les femmes en novembre, décembre et janvier, selon M. Ferrao.

La différence est encore plus marquée au Québec, où 30 000 des 31 000 emplois perdus durant cette période étaient occupés par des hommes. L'écart s'est cependant rétréci en janvier.

Les autres récessions suivent le même modèle. En 1982, 97 000 hommes et 21 000 femmes ont perdu leur emploi au Québec. En 1991, 45 000 hommes et 8500 femmes ont perdu le leur. Ces chiffres doivent toutefois être mis en perspective: en 1982, le taux d'emploi des femmes était de 65%. Il était de 79% en 1991, et il s'élève à 93% en ce moment.

Mieux placées pour la suite

Les femmes seront en outre très bien placées pour profiter de la reprise, croit Lawrence Kryzanowski, de l'école de gestion de l'Université Concordia. En effet, elles sont généralement plus instruites, donc plus qualifiées, que les hommes. Selon M. Kryzanowski, ce déséquilibre pourrait avoir un impact sur certaines tendances, comme le travail à temps partiel. «Beaucoup de femmes travaillent à temps partiel parce que leur conjoint est le pourvoyeur principal. S'il perd son emploi, elles devront peut-être travailler à temps plein.»

Le phénomène ajoute une dimension intéressante au débat sur l'équité salariale, note M. Kryzanowski. «On peut faire un parallèle entre le travail et la finance. En général, les placements qui ont des rendements élevés ont aussi des risques élevés. En ce sens, il pourrait être normal que les activités qui sont moins touchées par les cycles économiques, comme la santé ou l'éducation, soient moins bien rémunérées que celles où le risque de perdre son emploi durant une récession est plus élevé.»

Daniel Parent, économiste à l'Université McGill, juge intéressant le parallèle entre le travail et la finance. Mais il signale que les femmes ne choisissent peut-être pas librement les secteurs plus sûrs mais moins bien payés. «Peut-être que dans les secteurs plus risqués et mieux payés, les entreprises veulent des employés qui peuvent faire beaucoup d'heures supplémentaires, ce qui peut désavantager les femmes en âge d'être mères.»

 

La crise a un sexe

Pertes d'emploi en novembre, décembre et janvier

Québec Canada

Hommes 30 000 166 000

Femmes 1000 47 000

Taux de chômage

en janvier

Québec Canada

Hommes 9,1% 8%

Femmes 6,2% 6,2%

Source: Statistique Canada