Le président et chef de la direction de la Banque Nationale (TSX:NA), Louis Vachon, a tiré à boulets rouges sur ses concurrents du Canada et d'autres pays, vendredi.

En marge de l'assemblée annuelle des actionnaires, qui s'est déroulée à Québec, où l'institution a été fondée il y a 150 ans, M. Vachon a carrément reproché aux dirigeants des grandes banques de Toronto d'avoir renoncé à leurs bonis et aux institutions étrangères d'avoir été à l'origine du fiasco du papier commercial adossé à des actifs (PCAA).

Les chefs de la direction de la Banque Royale (TSX:RY), de la Banque Toronto-Dominion (TSX:TD), de la Banque de Montréal (TSX:BMO) et de la Banque CIBC (TSX:CM) ont tous récemment annoncé qu'ils renonçaient à une partie de leur rémunération en raison de la crise financière.

«Le geste de mes collègues de Toronto soulève des questions, a lâché Louis Vachon en conférence de presse. C'est une stratégie de gestion de l'image, mais en termes de gouvernance, je ne crois pas - et je pense que le conseil m'appuie dans cette déclaration-là - que c'est au chef de la direction de décider comment il est rémunéré. La rémunération d'un chef de la direction d'une banque, ce n'est pas un buffet. Ce n'est pas quelque chose que le conseil approuve et où, par après, le pdg lui-même approuve ce qu'il prend et ce qu'il ne prend pas. Moi, en 2007, je n'ai pas eu de boni. Je n'ai pas renoncé à mon boni: ils ne m'en ont pas donné. Ils ont dit: «Vachon, tu n'en mérites pas'. Ca, c'est de la gouvernance.»

Or, a ajouté le grand patron de la Nationale, les problèmes de gouvernance et de réglementation dans le secteur bancaire font partie des «grandes raisons» de l'actuelle récession mondiale.

Pour l'année 2008, Louis Vachon a touché une prime de 743 900 $, qui s'est ajoutée à son salaire de base de 800 000 $. En 2007, son salaire total, en excluant les actions, s'était élevé à 675 074 $.

Pourtant, la Banque Nationale n'a atteint en 2008 qu'un seul des quatre objectifs stratégiques qu'elle s'était fixés. Le responsable de la question au conseil d'administration, Jean Gaulin, s'est défendu en affirmant que la rémunération de M. Vachon s'expliquait aussi par le rendement supérieur de la Nationale en comparaison avec celui de ses concurrentes torontoises. Le bénéfice par action a ainsi crû de 45 pour cent en 2008, alors qu'il a reculé de 41 pour cent dans les autres banques.

PCAA

Fort en verve, M. Vachon n'a pas raté non plus l'occasion de s'en prendre aussi aux banques étrangères. Contrairement aux institutions canadiennes, elles ont refusé de fournir des liquidités lorsque la crise du PCAA a éclaté, en août 2007. Or, le PCAA que vendait la Banque Nationale était garanti par les banques étrangères, la Deutsche Bank notamment, alors que les grandes banques canadiennes garantissaient elles-mêmes le leur.

«Il y a des gens là-dedans qui avaient des contrats et ils ont fait une interprétation différente de la nôtre de leurs contrats, a-t-il relaté. C'est là qu'on s'est ramassés dans notre situation.»

Le lien de confiance a-t-il été rompu? «Sans aucun doute», a admis Louis Vachon, qui se réjouit du même souffle que les banques étrangères se soient largement retirées du marché canadien dans la foulée de la crise.

«C'est clair qu'on va être beaucoup plus méfiants face aux produits qui vont venir de certaines de ces banques-là», a-t-il dit, en faisant tout de même remarquer que certaines, comme la britannique HSBC, avaient soutenu le PCAA.

Pas question pour autant de se laver les mains du problème. «Une banque de la grosseur de la Banque Nationale doit assumer ses responsabilités, a insisté M. Vachon. Si on s'est floués, on s'est floués nous-mêmes. (...) Honte à nous de nous être mis dans cette situation-là.»

Jusqu'ici, la Nationale a radié 40 pour cent des 2,3 milliards $ de PCAA qu'elle détient, pour une perte totale de 929 millions $.

En réponse à la question d'une actionnaire, le pdg a avancé, «au pif», la possibilité que l'institution recouvre la moitié de cette perte avec le temps. «S'il y a une certaine stabilité qui s'établit dans les marchés du crédit et dans l'économie, on pourrait peut-être revoir une partie de cet argent-là. C'est loin d'être garanti, mais ce n'est pas impossible.»

REA

Louis Vachon en a par ailleurs surpris plus d'un en proposant le retour du régime d'épargne-actions (REA), abandonné en 2003, afin de faire face à la crise financière.

«Ca pourrait donner un coup de main à des compagnies pour lever des capitaux additionnels, a-t-il expliqué. Pour passer au travers d'une récession, oui, tu as besoin de crédit bancaire, mais fondamentalement, tu as aussi besoin de fonds propres.»

Le dirigeant a fait part de sa proposition à Québec et à Ottawa au cours des derniers mois, mais personne ne lui a encore répondu. Au cabinet de la ministre québécoise des Finances, Monique Jérôme-Forget, on n'entend pas se prononcer sur l'idée avant le dépôt du budget, le mois prochain.

Pour remplacer le REA, le gouvernement de Jean Charest avait créé en 2005 le régime Actions-croissance PME, qui concerne les entreprises ayant un actif inférieur à 100 millions $ (comparativement à 350 millions $ dans le cas du REA).

Pour Louis Vachon, une éventuelle renaissance du REA devrait s'adresser aux entreprises visant une capitalisation boursière comprise entre 100 millions $ et 1 milliard $, a-t-il précisé.

L'achat d'actions émises dans le cadre du REA donnait droit à des crédits d'impôt de façon à encourager les entreprises québécoises à s'inscrire en bourse.

L'action de la Banque Nationale a clôturé vendredi à 37,88 $, en hausse de 0,5 pour cent, à la Bourse de Toronto.