Le Canada n'a pas échappé à l'implosion de l'économie mondiale l'automne dernier, survenue dans la foulée de la faillite de la banque américaine d'affaires Lehman Brothers.

Après un léger repli de 0,1% en octobre, son produit intérieur brut réel a chuté de 0,7% en novembre, révélait hier Statistique Canada. Il s'agit de la pire contraction depuis la panne électrique générale qui avait paralysé l'Ontario pendant plusieurs jours en août 2003. Son ampleur a surpris les experts qui avaient parié sur une baisse de 0,5%.

 

De novembre à novembre, le PIB a reculé de 0,8%, une première depuis 1991.

Les données préliminaires de décembre (35 000 emplois perdus, chute des mises en chantier) présagent d'une nouvelle contraction.

À la vue des résultats de novembre, la plupart des économistes ont refait leurs prévisions pour l'ensemble du dernier trimestre de 2008. Ils estiment désormais que l'économie canadienne est entrée de plain-pied dans sa première récession depuis 1991 avec un recul d'au moins 3% de l'activité économique, sur une base annualisée. Il s'agirait d'une décroissance néanmoins moins forte que celle enregistrée aux États-Unis.

Pire recul américain depuis 1982

Chez nos voisins, l'économie s'est contractée de 3,8% entre octobre et décembre, selon l'évaluation préliminaire du département du Commerce, après un premier repli de 0,5% durant l'été. Il s'agit du pire recul depuis l'automne 1982.

La mauvaise nouvelle a d'abord été accueillie avec un certain soulagement parce qu'on s'attendait à pire. Une lecture plus attentive des chiffres a mis en lumière qu'un accroissement inusité des stocks était l'élément qui avait le plus contribué à l'activité économique. Sans les variations des stocks, la chute du PIB aurait été de 5,1%, propulsée par un repli de 3,8% des dépenses de consommation, le plus grave depuis 1947.

Pis encore, si on exprime le PIB en dollars d'aujourd'hui, on constate un repli de 4,8%, le pire depuis 1958. Cette décroissance nominale, qui inclut l'effet des variations de prix, est un meilleur indicateur des profits des entreprises que la variation du PIB réel.

«Avec la continuation probable des difficultés des marchés financiers et du travail, nous croyons toujours que la reprise économique n'est pas encore à portée de la main», juge Millan Mulraine, économiste chez TD Valeurs mobilières.

L'aggravation de la récession américaine jumelée aux résultats canadiens décevants de novembre amène certains économistes à réviser leur scénario. Tant à la Financière Banque Nationale, chez Desjardins que chez JP Morgan, on indiquait hier que la reprise canadienne attendue en seconde moitié d'année ne se manifestera pas sans une forte baisse préalable de l'activité économique. JP Morgan pense même que le trimestre courant sera plus dur que le précédent.

La chute du PIB en novembre survenait après deux replis au cours des trois mois précédents. D'août à novembre, «le PIB a reculé au rythme annualisé de 3,8%, souligne Marc Pinsonneault, économiste principal à la Financière Banque Nationale. La baisse de la demande mondiale explique ce ralentissement, puisque la fabrication et le commerce de gros ont le plus contribué au repli.»

Le secteur manufacturier souffre beaucoup. Il a plongé de 2,1% en novembre et accusait une chute annuelle de 7,0%, mais de 10,3% de septembre à novembre sur une base annualisée. Dix-huit des 21 branches du secteur manufacturier ont reculé au cours du mois. Seule la production d'aliments, de produits du pétrole et du charbon a légèrement augmenté.

La production de biens s'est aussi contractée dans la construction, l'extraction minière et la génération d'électricité. L'agriculture fait figure de timide exception.

L'ensemble de la production de biens a reculé de 1,3% tandis que celle des services, qui représentent 70% de la taille de l'économie, accusait un repli de 0,4%. Elle reste néanmoins positive de novembre à novembre, mais elle faiblit rapidement.

Le commerce de gros, le transport et l'entreposage ont perdu leur vitalité de naguère, tout comme les services administratifs, les arts, les spectacles et les loisirs. Ce dernier secteur est toujours touché quand les consommateurs resserrent leur budget.

Les services financiers ont aussi écopé, frappés par l'allergie nouvelle des ménages aux placements en Bourse ou dans les fonds communs.

«Les difficultés économiques se propagent, conclut Benoit P. Durocher, économiste senior chez Desjardins. Près de 72% des secteurs affichent une diminution de leur production en novembre. Ce ratio n'était qu'à 50% en octobre et 44% en septembre.»