Le gouvernement Harper a beau répéter que l'adhésion à la future commission canadienne des valeurs mobilières se fera «sur une base volontaire», cela n'empêche pas des intervenants québécois d'être inquiets.

À la Fédération des chambres de commerce du Québec, par exemple, on craint «une bataille constitutionnelle» entre Ottawa et les provinces, qui ne fera rien pour relancer l'économie canadienne, souligne Jean Laneville, économiste principal de l'organisme.

 

Pour lui qui a écrit un mémoire sur le sujet l'an dernier, le système de passeport en place à l'heure actuelle, celui qui permet à toutes les provinces - sauf l'Ontario qui s'en est dissocié - d'harmoniser leur réglementation est mieux que ce que propose Ottawa, «un truc hybride d'une complexité inouïe».

«Hybride», estime-t-il, car des provinces, dont le Québec, ne laisseront pas le champ libre à Ottawa après une quarantaine d'années de débat. Des commissions provinciales continueront donc d'avoir pignon sur rue.

Une passerelle?

Comment ce double système fonctionnera-t-il? Les documents budgétaires déposés mardi ne l'indiquent pas. On ne sait donc pas si un courtier, un vendeur d'assurances québécois ou une entreprise inscrite en Bourse devront s'inscrire à Québec et à Ottawa. «Je ne sais pas s'il y aura une passerelle» comme c'est le cas avec le système de passeport actuel, a reconnu en entretien le ministre fédéral Jean-Pierre Blackburn, délégué pour répondre aux questions de La Presse Affaires.

Un appel au ministère des Finances fédéral n'a pas permis d'éclaircir davantage la situation. Il y aura des consultations dans les prochains mois.

Même s'il reconnaît au Québec le droit de ne pas adhérer à la commission canadienne, le ministre fédéral du Revenu espère que lui et les deux autres provinces les plus réticentes s'y rallieront quand la commission sera fonctionnelle. «Une fois que le Canada va décider qu'il va vraiment de l'avant avec son projet, il est possible que les provinces arrivent à une autre avenue (et se joignent à l'organisme fédéral)», explique M. Blackburn.

Pour le député libéral Denis Coderre, l'aspect «volontaire» des visées conservatrices, c'est «de la poudre aux yeux». «Si les gens voient que c'est centralisé à Toronto, mais qu'il y a quand même un bureau à Québec, qu'est-ce que tu penses qu'ils vont faire?» demande-t-il.

Une question qui trouve écho à la chambre de commerce du Montréal métropolitain, où le nouveau président Michel Leblanc craint qu'une commission canadienne ne prive Montréal d'une expertise dans le secteur financier. «On doit soutenir le développement de ce bassin d'expertise et non son érosion, dit-il. On doit mettre le pied à terre et arrêter l'érosion.»

Au Conseil du patronat du Québec, on préfère ne pas se prononcer sur la question. Le porte-parole, Patrick Leblanc, invoque un «membership divisé» pour éviter de le faire.

Pendant ce temps, à Québec, la porte-parole de la ministre des Finances trouve que l'aspect «volontaire» «ne dilue pas beaucoup le fait que ce soit une intrusion dans le champ des provinces», souligne Catherine Poulin. Un recours devant les tribunaux est une option qui «est sur la table».