Remis de leur grave crise de 2009, les constructeurs automobiles américains General Motors (GM), Fiat Chrysler et Ford s'apprêtent à entamer de difficiles négociations avec le puissant syndicat UAW, qui réclame une première augmentation des salaires en 8 ans.

«Ça va être une négociation très difficile», estime Joel Persinger, président de l'antenne UAW (United Auto Workers) sur le site de GM à Orion (Michigan). «Ce sera essentiellement sur les salaires», ajoute-t-il.

Ces négociations quadriennales vont se tenir simultanément à partir de mi-juillet même si le syndicat discutera officiellement avec un seul des membres du «Big Three» de Detroit qu'il aura au préalable désigné. Les deux autres devront adopter l'accord, auquel ils pourront apporter de légères modifications.

L'UAW, décimé par les vagues de suppressions d'emplois dans le secteur aux États-Unis entre 2007 et 2012, veut en profiter pour obtenir un contrat de travail avantageux et identique pour ses 140 000 membres. Les contrats actuels expirent le 15 septembre.

«L'UAW a aidé l'industrie tout entière à reprendre pied», plaide Dennis Williams, président du syndicat. «Quand vous regardez l'industrie, vous voyez de nouveaux produits [...] qui ont permis aux constructeurs de gagner beaucoup d'argent», ajoute-t-il.

L'objectif de l'organisation est clair: une redistribution des bénéfices alors que l'industrie automobile américaine a renoué en 2014 avec ses meilleures années, dopée à la fois par la forte demande pour les gros 4X4 de ville et les camionnettes, le crédit facile et de faibles prix de l'essence à la pompe.

Le syndicat veut aussi réduire l'écart entre la rémunération des anciens, qui gagnent 30 dollars de l'heure, et les nouvelles recrues embauchées à 16,50 dollars.

Grève? 

Les employés des trois grands groupes automobiles américains avaient été contraints d'accepter un gel des salaires en 2007 et en 2009 pour desserrer l'étau sur GM et Fiat Chrysler alors en faillite, et Ford qui était en grandes difficultés financières.

Lors des négociations de 2011, l'UAW avait les mains liées, en raison des conditions posées par le gouvernement fédéral pour renflouer GM et Chrysler, qui perdaient des parts de marché face à des concurrents étrangers agressifs.

Mais depuis, Fiat Chrysler a remboursé ses prêts à l'État fédéral, qui a par ailleurs cédé toute sa participation dans GM.

À l'approche des discussions, les trois fleurons de l'automobile américaine ne présentent pas un front uni.

S'il estime qu'il faut un nouveau contrat de travail qui partage davantage les bénéfices et les bonus, Sergio Marchionne, le patron de FCA, maison-mère de Fiat Chrysler, veut préserver son avantage concurrentiel en matière de coût du travail.

Près de 43 % des salariés du groupe reçoivent la rémunération la plus faible du secteur, une proportion près de deux fois plus élevée que celle relevée chez ses deux autres rivaux.

En outre, le coût de la main-d'oeuvre est de 15 à 16 % plus élevé chez GM (58 dollars de l'heure) et Ford (57 dollars) par rapport à Fiat Chrysler (48 dollars) ou à Honda (49 dollars) et Toyota (48 dollars), selon les données récentes du Center for Automotive Research.

Les deux premiers groupes automobiles américains se retrouvent ainsi avec des surcoûts de production importants.

GM a déployé une offensive de charme vis-à-vis du syndicat en annonçant dès fin avril des investissements à hauteur de 5,4 milliards de dollars sur ses sites américains dans les trois prochaines années. Le groupe de Mary Barra n'a pas encore dévoilé ses intentions pour ces négociations.

Ford, inquiet d'une hausse des coûts de la couverture santé, veut «s'assurer [d'] aboutir à un contrat juste et concurrentiel [...] permettant de rester compétitif et d'investir dans les emplois aux États-Unis», résume Cathy Clegg, une des responsables de la marque à l'Ovale bleu.

«S'il y a une grève, ça voudra dire que les deux parties auront échoué», avertit Cindy Estrada, la représentante de l'UAW dans les négociations chez GM.