Né à Loretteville, Louis Morasse travaille au Technocentre de Renault, à Guyancourt. Après des études en design industriel, Louis Morasse est devenu directeur du design pour les véhicules utilitaires du constructeur automobile français. Portrait.

La dernière refonte du fourgon Master de Renault, introduite en 2010 et revue en 2014, est le projet dont Louis Morasse est le plus fier.

« On est passés numéro un l'année dernière au Brésil devant Fiat, ce qu'on n'avait jamais fait avec les véhicules précédents, lance le designer industriel québécois. C'est vraiment le top, mon Master. »

C'est « son » Master ?

« C'est mon Master. »

En effet.

Directeur du design pour la gamme des véhicules utilitaires chez Renault depuis 2005, Louis Morasse a mené toute la refonte entamée en 2006. « Le Master avait besoin d'une grosse rupture stylistique, à l'extérieur et à l'intérieur. C'est vraiment une icône. Ça reste au sommet de ma liste. Et c'est un sacré succès. »

Tout jeune, Louis Morasse voulait dessiner des véhicules. À peine diplômé en design industriel, il avait déjà l'Europe en ligne de mire. 

« En 1987, j'avais balancé une trentaine de CV en Italie et en France. J'ai pris mon sac à dos, je suis venu en Europe, et le premier qui m'a offert un job, c'est Renault. » 

Pendant cinq ans, il a travaillé à la première Mégane, dont il a dessiné l'aménagement intérieur. « J'ai acquis mon métier durant ce projet-là. C'était une expérience incroyable. »

Après un passage chez GE Medical en France puis chez BRP au Québec, il est retourné chez Renault en 2005, accompagné de sa conjointe québécoise et de la petite Hyacinthe, née entre-temps.

Depuis 2005, il a mené les dernières phases de développement de la deuxième génération de la fourgonnette Kangoo, puis sa mise à jour de 2013, et il a dirigé la refonte du fourgon intermédiaire Trafic, présentée en 2014. « L'autre gros truc, pour moi, c'est l'arrivée des pick-up. Ça fait six ou sept ans que je travaille sur le sujet. »

La première camionnette à afficher le losange Renault, dérivée du véhicule utilitaire sport Duster de sa filiale roumaine Dacia, a été présentée au salon de Buenos Aires en juin.

Le design de la complexité

« Le VU est un domaine qui m'éclate, parce qu'il y a toute cette complexité », dit le Québécois.

Sous ses diverses déclinaisons, un même véhicule utilitaire doit satisfaire et séduire les directeurs de parcs de voitures, les conducteurs, les passagers occasionnels, les artisans-commerçants qui utiliseront le véhicule avec leur famille, et même les particuliers.

Le Master, pour ne prendre que cet exemple, peut connaître jusqu'à 350 versions.

« Ce qui est intéressant, c'est que le sujet est tellement complexe qu'il faut qu'on guide tous les jours les designers et les chefs de projets pour faire en sorte que les projets avancent. Et comme le véhicule utilitaire n'est pas le sujet le plus sexy pour un designer qui rêve de dessiner des concept cars, il faut avoir beaucoup de conviction. »

Le développement d'un nouveau véhicule dure environ cinq ans. Dans les phases préliminaires, le directeur du design contribue à l'élaboration des lignes directrices du projet. 

« Quand on atteint les étapes créatives, il faut que je m'assure que les métiers - design intérieur, design extérieur, couleurs et matières - soient bien organisés pour livrer les attendus [les livrables] de chaque jalon, à l'intérieur du budget alloué. » 

Lui-même ne touche plus au crayon et ne fait plus d'esquisses.

« Et je ne veux vraiment plus en faire. Je préfère convaincre les designers, leur donner les pistes et les laisser s'exprimer. Mon innovation, j'essaie de la mettre dans le contenu, dans les prestations, dans la bonne ergonomie, dans la gestion de la qualité perçue, dans le management lui-même. Là-dessus, il y a vraiment de quoi s'exprimer chez Renault. »

Le petit accent de plus

Louis Morasse n'a jamais senti de condescendance chez les cousins français. « Au contraire. Ç'aurait peut-être été différent à une autre époque, mais ayant travaillé dans des boîtes anglo-saxonnes et parlant anglais - il y a encore beaucoup de gens qui ont du mal avec cet aspect-là -, tu es capable de convaincre rapidement que tu as peut-être un accent rigolo au départ, mais que tu as des choses dans ton sac à dos. »

Il juge important de conserver le signe distinctif de son accent québécois, auquel il a tout de même ajouté des expressions du cru. « Un chouia [un peu] moins. » « Une palanquée [un char] de jalons. »

« Il fait partie des porte-parole officiels du design qui peuvent communiquer avec les médias sans problème, commente Philippe Barre, responsable communication du design. Il n'y en a pas beaucoup en design. »

Depuis un an et demi, Louis Morasse est - en plus du reste - responsable du réaménagement de l'espace design du Technocentre Renault. Les travaux commencent cet été.

Et la prochaine étape ? « Je vais refaire tranquillement mon Kangoo. C'est un mégaprojet. »

Car c'est « son » Kangoo.

PHOTO FOURNIE PAR RENAULT

Louis Morasse est directeur du design pour la gamme des véhicules utilitaires chez Renault depuis 2005.

Louis Morasse en bref

• Âge : 53 ans

• Poste : directeur design, gamme véhicules utilitaires, chez Renault, depuis 2005.

• Principal projet actuel : chut ! « On ne veut pas trop communiquer sur le sujet. »

• Parcours : diplômé en design industriel en 1985, il a immédiatement travaillé au projet de microvoiture Venus de Bombardier. Il est arrivé chez Renault en 1987, puis est passé chez GE Medical France comme chef de projet. Il a été vice-président design chez BRP, avant de retourner chez Renault en 2005.