Les constructeurs automobiles ont mis en garde vendredi les instances de l'Union européenne contre des objectifs de réduction «trop ambitieux» des émissions de CO2, qui auraient selon eux des conséquences négatives sur la croissance et l'emploi.

«Nous devons faire en sorte que d'ambitieuses politiques de lutte contre le réchauffement climatique n'entrent pas en conflit avec la nécessité de protéger les emplois et la croissance en Europe», a déclaré le président en exercice de l'Association des constructeurs automobiles européens (ACEA), Carlos Ghosn.

Cette mise en garde intervient moins d'une semaine avant une réunion de la Commission européenne consacrée à la réduction des émissions de CO2 au-delà des objectifs de 2021, et à six mois du sommet mondial de Paris sur le climat (COP 21).

M. Ghosn, lors d'une conférence de presse à Paris, a rappelé que l'industrie automobile européenne employait «12,1 millions de personnes, directement ou indirectement, soit plus d'un Européen actif sur vingt», et souligné que ce secteur se relevait à peine de la grave crise déclenchée en 2008.

«Étant donné les incertitudes économiques auxquelles font encore face de nombreux pays, nous ne pouvons pas nous permettre de relâcher nos efforts. C'est pour cela qu'il est plus important que jamais de faire en sorte que la compétitivité de notre secteur (...) reste l'une des priorités au niveau des instances européennes et des pays» membres, a encore plaidé M. Ghosn, qui s'exprimait en anglais.

L'Union européenne a édicté des objectifs stricts en matière d'émissions de CO2 pour les constructeurs: 130 grammes par kilomètre en moyenne sur toute la gamme des véhicules neufs vendus dans l'UE en 2015. Ce chiffre passera à 95 g/km en 2021.

Or, l'UE a dévoilé en mars dernier son plan pour l'après-2020, avec une baisse de 40% des gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990, sans encore que cela se traduise par des objectifs pour les véhicules à moteur.

Plaidoyer pour le diesel 

«La semaine prochaine, la Commission européenne va lancer son processus de consultation sur la réduction des émissions carbonées du transport routier», a remarqué M. Ghosn après avoir rappelé la promesse de cette instance de «stimuler l'emploi, la croissance et les investissements».

Établir des objectifs de CO2 «ambitieux est positif, mais imposer des objectifs trop ambitieux risque de créer des handicaps de compétitivité pour l'industrie européenne sur le marché mondial», a prévenu M. Ghosn, pour qui «aucun autre secteur que l'automobile n'en a autant fait pour réduire les émissions de CO2 ces dernières années».

Le dirigeant de l'ACEA a en outre appelé les autorités européennes à ne pas viser spécifiquement les véhicules fonctionnant au gazole, affirmant que le diesel était nécessaire pour atteindre les objectifs, actuels et futurs.

Les moteurs au gazole équipent un tiers du parc européen de voitures particulières, et une voiture neuve vendue sur deux est un diesel, selon lui. Or, «les diesels modernes ont été encouragés par les autorités en Europe, en reconnaissant leur capacité à réduire davantage les émissions de CO2 que les moteurs à essence. Tous les constructeurs ont suivi ces incitations en investissant énormément dans la technologie des diesels propres», a argumenté le PDG de Renault.

«Cette tendance à taper sur le diesel est très préoccupante», a insisté M. Ghosn. Il a assuré que mettre les anciens diesels et les nouveaux moteurs Euro 6 «dans le même panier est injuste vis-à-vis des efforts» déployés par les constructeurs pour rendre ces moteurs moins polluants.

«Tout signe politique sur une volonté de faire disparaître les moteurs diesel de l'éventail disponible pour atteindre les objectifs moyens de CO2 à travers les gammes se ferait au détriment de la capacité des constructeurs à atteindre les objectifs actuels» de 2021, a prévenu M. Ghosn, pour qui «nous voulons améliorer la qualité de l'air, mais le faire en augmentant les émissions de CO2 n'est pas la bonne solution».