Six ans après la crise, une nouvelle bulle est en train de se former aux États-Unis, celle des crédits automobile aux taux d'intérêt exponentiels accordés à des ménages fragiles.

Ces prêts ont explosé ces dernières années aux États-Unis, selon différentes statistiques, et devraient encore augmenter.

Plus de 20% des 870 milliards de dollars de crédits auto accordés aux États-Unis au troisième trimestre 2014, étaient des prêts à haut risque (subprime), selon le cabinet spécialisé Experian, soit un prêt sur cinq. Cela a permis de soutenir les ventes de voitures, revenues à leurs meilleures en 2014.

«Les consommateurs fragiles qui avaient du mal à trouver un crédit pendant et peu après la crise trouvent désormais prêteur», confirme l'agence de notation Standard & Poor's.

Comme avec l'immobilier, les prêteurs - souvent des institutions financières et les bras financiers de constructeurs automobiles, sont moins regardants sur la situation financière des emprunteurs. Ils vont parfois jusqu'à falsifier les informations personnelles (emploi, revenu) pour refourguer les prêts.

Faux

«Pendant l'été, nous avons pris des mesures contre une entreprise de financement de prêts auto (DriveTime Automotive Group) qui falsifiait l'historique de crédit des consommateurs», explique Richard Cordray, directeur de l'agence fédérale de protection des consommateurs (CFPB).

«Les personnes pauvres sont les plus visées. Les prêteurs les poussent à emprunter plus qu'ils ne peuvent rembourser», s'alarme Chris Kukla de l'association de protection des consommateurs Center for Responsible Lending en Caroline du Nord.

Le taux d'impayés a augmenté sur les trois dernières années pour atteindre en moyenne 13% en septembre, soit la moyenne des années précédant la crise (10-12%), selon la banque Wells Fargo.

Les États pauvres du sud (Mississippi, Louisiane, Caroline du Sud et Alabama) ainsi que D.C., le district de la capitale fédérale, sont les plus touchés.

Ces défauts de paiement se traduisent par de lourdes pertes pour les institutions financières.

La banque Ally Financial, renflouée par le gouvernement fédéral lors de la crise, va inscrire une charge nette de 341 millions de dollars (+18% sur un an).

Santander, filiale de la banque espagnole Banco Santander, acteur majeur du secteur, a elle provisionné 770 millions de dollars, +29% sur un an.

Enquêtes

Comme avec les «subprime» immobiliers, les crédits auto «pourris» essaiment à Wall Street via des produits financiers complexes (ABS), considérés comme sûrs et sains par les agences de notation.

Ce n'est que récemment que Standard & Poor's a reconnu que la qualité de ces crédits déteignait sur les «ABS».

En quête d'actifs proposant de meilleurs rendements dans le contexte actuel de taux d'intérêt quasi nuls et d'actions chères en Bourse, les investisseurs institutionnels - banques, assureurs, fonds - se jettent sur ces produits dont la rémunération dépasse les 20%.

Ils font le pari que les emprunteurs choisiront toujours de rembourser tôt ou tard leur prêt crédit auto car ils ont besoin de leur voiture dans leur quotidien, résume Tom Webb, économiste chez Manheim.

Environ 20 milliards de dollars de dette comprenant des crédits auto à risque ont trouvé preneurs sur les marchés en 2014, estime S&P. C'est quasi égal aux 21,6 milliards de dollars recensés en 2006, peu avant la crise.

Et ce n'est pas prêt de se calmer puisque l'agence calcule que 22 milliards de dollars devraient être levés par les acteurs du secteur cette année.

Les principaux émetteurs sont Santander Consumer USA, Americredit Financial (General Motors) et Exeter (fonds Blackstone).

«La question est de savoir si le secteur n'est pas en surchauffe et, sinon, quand cela va se produire», interroge M. Webb, assurant avoir «déjà vu ce film et nous savons comment il se termine».

Plusieurs économistes et analystes jugent toutefois que les crédits auto «subprime» ne représentent pas une bombe à retardement pour l'économie comme l'immobilier en 2008. Car, avancent-ils, une voiture peut être facilement saisie et revendue sans être trop dépréciée.

Alertées par les consommateurs, les autorités américaines ont ouvert des enquêtes.

Le département de la Justice américain et le régulateur des services financiers de New York (DSF) ont demandé des documents à GM et à Santander.

Le régulateur bousier, la SEC, enquête, elle, sur les ABS, tandis que la municipalité de New York a ouvert une investigation sur deux filiales de Santander.