Les observateurs et industriels québécois saluent la décision du gouvernement fédéral d'injecter 250 millions pour soutenir l'innovation dans le secteur automobile. Mais ils auraient aimé que les petites entreprises québécoises puissent bénéficier de la manne.

Le premier ministre Stephen Harper a débloqué hier 250 millions supplémentaires sur cinq ans sous forme de prêts pour soutenir le secteur automobile. Le fédéral renouvelle en fait un programme lancé en 2008 destiné à aider les constructeurs à produire des véhicules plus écologiques.

Le hic: seuls les projets de 75 millions et plus sont admissibles à l'aide du fédéral, ce qui écarte pratiquement d'emblée les PME québécoises, dont plusieurs mettent au point des technologies liées aux véhicules électriques.

«On aurait aimé que les critères soient revus pour que de plus petits projets soient admissibles. Cela aurait donné une chance aux PME innovantes du Québec, entre autres les équipementiers qui sont actifs dans la nouvelle génération de véhicules automobiles électriques», indique Denis Leclerc, président d'Écotech Québec, grappe des entreprises de technologies propres de la province.

Le Fonds d'innovation pour le secteur automobile soutiendra des projets «qui visent à concevoir et à construire des véhicules écologiques à faible consommation de carburant». Par le passé, Ford du Canada, Toyota Manufacturing Canada, Linamar et Magna International, de grandes entreprises installées en Ontario, en ont bénéficié.

«Il ne faut pas se le cacher: ce programme est une excellente nouvelle pour la grande industrie et pour l'Ontario. Le bémol, c'est qu'il ne soutient pas l'innovation qui se fait dans les petites et moyennes entreprises, et qui est souvent plus radicale», avance aussi Maxime Godin, directeur, conseil, stratégie et performance, chez Raymond Chabot Grant Thornton.

«Du point de vue du Québec, les industries où on souhaiterait voir une implication accrue du gouvernement fédéral sont les technologies de l'information et des communications, l'aérospatiale, les sciences de la vie et les technologies de la santé, et nos technologies vertes à nous, au Québec», dit M. Godin.

Garder l'innovation au pays

L'expert juge néanmoins que le programme renouvelé hier par M. Harper a sa raison d'être. Selon lui, il soutient des emplois à haute valeur ajoutée et aura un impact sur toute l'économie canadienne. Il croit que le Canada ne doit pas hésiter à appuyer financièrement les multinationales pour les inciter à faire de la recherche au pays.

«Un pays qui n'est pas vraiment au premier plan comme le Canada n'a pas vraiment le choix de se donner les moyens de devenir attrayant et d'attirer les investissements. Est-ce qu'on veut que l'innovation se fasse ici, ou on veut qu'elle se fasse ailleurs et qu'il ne reste ici que des activités manufacturières faciles à délocaliser?», demande-t-il.

Lancé en pleine crise financière en 2008, le Fonds d'innovation pour le secteur de l'automobile a distribué 227 millions à ce jour sous forme de prêts, une somme qui a généré des investissements totaux de 1,6 milliard en recherche - un «effet levier très intéressant», selon Maxime Godin.

L'aide fédérale survient peu de temps après la controverse suscitée par GM en décembre, qui a annoncé qu'il déménagera la production de la Camaro de Chevrolet d'Oshawa, en Ontario, vers le Michigan. Le gouvernement fédéral et celui de l'Ontario avaient injecté 10,6 milliards dans GM en 2009 lors de la crise de l'industrie automobile.

Selon Ottawa, l'industrie automobile emploie 11 000 Canadiens et représente 12% du PIB manufacturier du pays.