Les conducteurs d'une automobile dont le volant se trouve à droite courent jusqu'à 32% plus de risques d'être impliqués dans un accident, selon une étude réalisée par la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ).

Les résultats de cette analyse et la fin prochaine du moratoire d'un an imposé en avril 2009 sur l'immatriculation de tous les nouveaux véhicules de ce type pourraient inciter Québec à interdire les voitures avec conduite à droite. Et ce, même s'ils sont autorisés par Transports Canada.

 

Des passionnés du monde automobile et des collectionneurs de voitures rares estiment toutefois être les victimes collatérales d'une tentative de la SAAQ pour freiner l'importation des voitures sportives d'occasion japonaises, qui ont la faveur de jeunes conducteurs, amateurs de voitures de performance et de films de type Fast and Furious.

 

En deux ans seulement, selon des données de la SAAQ, le nombre de véhicules d'occasion avec conduite à droite importés du Japon a plus que triplé. En 2007, 706 de ces voitures ont été immatriculées au Québec. En 2009, la SAAQ en répertoriait 2130. Cela ne représente tout de même que 0,0005% des 4 millions de véhicules de promenade immatriculés au Québec.

 

Les recherches de la SAAQ ont en outre permis d'établir assez rapidement le profil type des acheteurs de ces voitures: 95% sont des hommes, et 91% étaient âgés de 34 ans ou moins en 2009. L'an dernier, près de la moitié de ces véhicules (965 sur 2140) appartenaient à des jeunes âgés de 20 à 24 ans.

 

Plus du quart de ces automobiles sont des Nissan Skyline datées de 1989 à 1994. Ces véhicules, dont le moteur de série pouvait produire 275 chevaux, possèdent au Japon la même aura qu'aurait en Amérique du Nord une Mustang Fastback 1968 comme celle de Steve McQueen dans le film Bullitt.

 

Les autres véhicules les plus prisés sont, dans l'ordre, les Nissan Fairlady (221), Silvia (185) et 180SX (139), les Mazda RX-7 (133) et les Toyota MR2 (120) et Supra (105). Plusieurs des 30 modèles nommés n'ont jamais été construits pour l'Amérique du Nord (avec volant à gauche). La majorité des 2130 véhicules recensés sont des voitures «à caractère sportif».

 

Marché parallèle, prix abordable

 

Au Canada, la Loi sur la sécurité automobile prévoit que tous les véhicules neufs vendus au pays doivent répondre à certaines normes, parmi lesquelles l'obligation d'installer le volant à gauche parce que cette position est plus compatible avec la conduite à droite, de rigueur partout en Amérique du Nord.

 

Cette loi ne s'applique toutefois pas aux automobiles vieilles de plus de 15 ans. Des importateurs-revendeurs ont ainsi écoulé en toute légalité, souvent sur l'internet, des centaines de véhicules avec volant à droite. Ainsi, de jeunes conducteurs qui ne pourraient pas se payer de véhicule équivalent au Québec ont pu s'offrir, par exemple, une Skyline 1990 pour 5000$ ou 6000$.

 

Au début de 2008, l'Association des marchands de véhicules d'occasion du Québec avait déjà signalé à la SAAQ la hausse des ventes de ces voitures, «qui connaissent une popularité croissante auprès des jeunes conducteurs à la recherche de véhicules de performance» en raison d'un prix très abordable sur des marchés d'importation «parallèles» aux réseaux habituels, mais légaux.

 

Le porte-parole de l'Association des propriétaires de véhicules importés du Québec (APVIQ), Nicolas Mailloux, a estimé que, dès cette époque, Québec aurait pu contrer ce phénomène à l'aide de mesures administratives simples et faciles à mettre en oeuvre. «Au lieu de cela, dénonce-t-il, on a emprunté la voie la plus facile. On s'en prend aux véhicules au lieu de sanctionner les comportements des conducteurs fautifs. On pénalise tout le monde pour contrôler quelques énervés du volant.»

 

Le 29 avril 2009, la ministre des Transports du Québec, Julie Boulet, a signé un arrêté en conseil décrétant un moratoire immédiat sur l'immatriculation de tout nouveau véhicule équipé d'un volant à droite, pour une durée de six mois. En octobre 2009, un second arrêté a renouvelé ce moratoire pour six mois en plus de limiter les droits de circuler d'une autre catégorie de véhicules avec volant à droite, les kei cars. Ces petits véhicules japonais, dotés de moteurs très modestes, surtout prisés par les collectionneurs, ne sont plus autorisés à circuler sur les routes où la limite de vitesse est supérieure à 70 km/h.

 

Au cabinet de la ministre Boulet, l'attachée de presse Joly-Anne Pronovost a refusé de spéculer sur les intentions du gouvernement à la fin du second moratoire.