Renault garde son PDG, Carlos Ghosn, mais le constructeur automobile français déstabilisé va payer longtemps encore la note de son faux scandale d'espionnage, entre le départ de son numéro deux Patrick Pélata et l'image catastrophique donnée du groupe par ce fiasco.

Les milieux financiers ont réagi avec défiance mardi à l'annonce de ce départ, craignant des répercussions sur le plan stratégique de Renault à l'horizon 2016, dévoilé en février par M. Ghosn. À la Bourse de Paris, l'action a perdu 3,17% mardi à 37,75 euros.

C'est «une mauvaise nouvelle», a commenté Florent Couvreur, un analyste de CM-CIC Securities, alors que le constructeur, qui a renoué avec les bénéfices en 2010, s'est donné pour objectif de battre son record de ventes d'ici 2013, à 3 millions de voitures, et d'améliorer sa rentabilité.

Selon l'analyste, «la complémentarité du tandem Ghosn/Pélata avait fait ses preuves lors du rétablissement de Nissan». «Sans Pélata aux commandes, ce plan pourrait être alors perturbé, voire reporté de six mois à un an», a-t-il estimé.

La gestion de l'affaire Renault pose aussi la question du management du groupe, a relevé de son côté la présidente du Medef, Laurence Parisot, doutant que les décisions de Renault suffisent «pour que tout un chacun (...) soit rassuré sur l'orientation nouvelle que le management de Renault se donne».

Toute cette affaire est «symptomatique d'un problème "managérial" profond chez Renault», confirme Bertrand Rakoto, analyste du cabinet d'études RL Polk, spécialisé dans l'automobile. «Avoir déplacé les personnes au niveau du management ne garantit pas qu'il y aura vraiment de grands changements», estime-t-il.

Cette analyse est également partagée par les syndicats. «Si c'est pour mettre Pierre à la place de Paul ou de Jacques avec les mêmes techniques de management, ça ne change rien», a fustigé le secrétaire général de la CGT Bernard Thibault. Selon lui, «le PDG (de Renault) s'est largement discrédité auprès de son personnel, et singulièrement du personnel d'encadrement».

Pour son homologue de Force Ouvrière, Jean-Claude Mailly, la démission de M. Pélata ne suffira pas «à stabiliser le groupe». «Quand on est numéro un, on doit assumer. À M. Ghosn de se décider», a-t-il déclaré.

La CFDT dénonce la «centralisation excessive des pouvoirs dans les seules mains de Carlos Ghosn».

Un autre enjeu majeur pour Carlos Ghosn réside dans les participations croisées entre Renault et son partenaire Nissan au sein de l'alliance qui unit les deux constructeurs depuis 1999.

Renault détient actuellement 43,4% de Nissan, qui dispose lui-même de 15% de son capital, mais sans droit de vote. Or, ces participations pourraient évoluer en raison de la capitalisation boursière des deux groupes.

Renault, qui était venu à la rescousse de Nissan alors en pleine débâcle, pèse aujourd'hui moins que son partenaire japonais, dont les bénéfices sont également supérieurs aux siens.

Le gouvernement français, actionnaire à hauteur de 15% de Renault, a émis le souhait dès lundi soir que désormais le constructeur «se mette en position de trouver, dans le cadre de l'alliance Renault-Nissan, toute sa place dans le marché mondial de l'automobile».

Les ministres de l'Économie Christine Lagarde et de l'Industrie Éric Besson «ont prévu de faire avec Carlos Ghosn dans les prochains mois le point sur la stratégie industrielle de nature à renforcer l'alliance Renault-Nissan».

À Bercy, on précise que ces discussions porteront «sur les participations croisées entre Renault et Nissan» autant que sur «la stratégie industrielle» du groupe.