L'industrie automobile japonaise, la deuxième au monde, devrait se relever rapidement du séisme qui a interrompu la production et les exportations de voitures, estiment les experts qui mettent en avant sa réactivité et sa flexibilité.

Les images de carcasses de voitures entassées dans le port de Tokai, dans l'est du pays, dévasté par un tsunami vendredi après le puissant séisme, ont fait le tour du monde.

Les actions de Toyota, premier constructeur mondial, Honda et Nissan ont plongé mardi après avoir chuté la veille à la Bourse de Tokyo.

Confrontés à des problèmes d'approvisionnement, les constructeurs ont annoncé qu'ils suspendaient leur production jusqu'à mercredi ou dimanche, même dans leurs usines qui n'ont pas été affectées par le séisme. Si une pièce manque, la voiture ne peut pas être assemblée. Pour Toyota, trois jours d'arrêt réduiront la production de 40 000 voitures. Le PDG de Renault Carlos Ghosn a ainsi indiqué lundi que même si les usines Nissan, partenaire du constructeur français au Japon, repartaient comme prévu dans les prochains jours, ce ne serait pas pour «très longtemps», faute de pièces détachées.

Pour Yann Lacroix, responsable des études sectorielles chez Euler Hermès, les constructeurs japonais doivent relever un triple défi: redémarrer la production malgré les coupures de courant, s'approvisionner auprès des sous-traitants malgré l'état des routes, expédier les modèles à l'étranger, sachant que les ports de la côte orientale sont impraticables.

Plus d'une voiture sur 10 dans le monde est sortie des usines japonaises, qui en ont fabriqué 8,3 millions en 2010. La moitié de la production est exportée, vers les Etats-Unis en premier. Les exportations du secteur (voitures et pièces détachées) ont représenté 130 milliards de dollars en 2010, ce qui fait du Japon le 2e exportateur mondial, derrière l'Allemagne.

Mais les constructeurs japonais, comme les autres, ont tendance à produire au plus près des marchés où ils vendent: leurs usines en Amérique du Nord, en Europe et en Chine, d'où sont sortis 7 millions de véhicules en 2010, fonctionnent à plein régime, rappelle Bertrand Rakoto, analyste pour le cabinet spécialisé RL Polk.

Seuls certains modèles, comme la Toyota Prius ou la Honda Fit, des véhicules hybrides qui se vendent d'autant mieux que le pétrole est cher, devraient être pénalisés par le séisme, mais «des retards de livraison ne devraient pas créer un problème existentiel à l'économie japonaise».

Au niveau de la production, la fabrication à flux tendu privilégiée par l'industrie, qui l'a préservée de la destruction massive de stocks, devrait lui permettre de redémarrer au quart de tour, sitôt les infrastructures remises en état.

«Il existe de nombreuses solutions d'urgence, qui ont été utilisées pendant la crise, quand la production, qui était au plus bas, a dû reprendre très vite» pour répondre à la demande mondiale, soutenue par les aides gouvernementales, souligne l'analyste. Il peut s'agir de «lignes de production supplémentaires, de réorganisation des priorités de production par marché ou de jouer sur la flexbilité des usines d'approvisionnement» réparties dans le monde.

Pour M. Rakoto, le risque est faible que l'industrie automobile japonaise, en repos forcé, se voit ravir des parts de marché.

Le marché japonais, actuellement sous la menace nucléaire, reste relativement fermé, les importations de voitures et de pièces ne dépassant pas 12 milliards de dollars. Et aucun constructeur étranger n'y est implanté.

À l'étranger, les constructeurs japonais ont pris de l'avance, comme Toyota sur la technologie hybride: il faudrait une crise majeure pour qu'ils soient rattrapés et dépassés.