La haute direction du constructeur automobile français Renault reconnaît qu'elle a peut-être fait fausse route en janvier en congédiant avec fracas trois cadres accusés d'espionnage.

Les enquêtes menées à ce jour par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) n'ont pas permis d'étayer les allégations de l'entreprise, aujourd'hui plongée dans l'embarras.

En entrevue au quotidien Le Figaro, le numéro deux de l'entreprise, Patrick Pélata, a reconnu la semaine dernière qu'il y avait deux hypothèses à l'étude à l'heure actuelle.

«Soit Renault est victime d'une affaire d'espionnage, soit d'une manipulation», a indiqué M. Pélata, qui promet de démissionner si la seconde hypothèse se confirme.

Le PDG de Renault, Carlos Ghosn, était lui-même monté au front en janvier pour défendre le sérieux des accusations lancées par le constructeur à la suite d'une enquête interne menée sur plusieurs mois.

«Nous avons des certitudes. Si on n'avait pas de certitudes, on n'en serait pas là», avait-il relevé en évoquant, sans les révéler, l'existence de multiples éléments justifiant le dépôt d'une plainte pour «faits constitutifs d'espionnage industriel, de corruption et d'abus de confiance».

Dans le dossier remis aux autorités en soutien à sa plainte, Renault affirmait avoir réussi à détecter des comptes bancaires en Suisse et au Liechtenstein sur lesquels étaient soi-disant versées les sommes destinées aux cadres. L'entreprise blâmait des firmes chinoises cherchant à obtenir des renseignements stratégiques sur la conception de la voiture électrique.

Les vérifications menées à ce jour n'ont cependant pas permis de démontrer l'existence de ces comptes, relèvent plusieurs médias français qui citent des sources au sein des services de contre-espionnage français.

Bien que le chef de la DCRI, Bernard Squarcini, affirme que l'enquête pour espionnage industriel suit son cours, les employés mis en cause se réjouissent des derniers développements dans l'affaire.

«Mon client n'a cessé de répéter, depuis qu'il a été mis à pied par Renault, qu'il n'a jamais eu de compte à l'étranger et qu'il n'a pas vendu d'informations à qui que ce soit», souligne en entrevue Xavier Thouvenin, qui représente Michel Balthazard, l'un des cadres congédiés.

Affaire montée?

L'avocat pense que l'affaire pourrait avoir été montée de toutes pièces par des membres du personnel de sécurité de Renault qui auraient cherché à détourner à leur profit personnel des fonds devant servir à l'enquête.

«Il y a des gens suffisamment cons et dangereux pour faire ce genre de chose», relève Me Thouvenin, qui n'exclut pas non plus la possibilité d'une tentative de vengeance à l'interne.

Son client, dit-il, veut que la plainte déposée par Renault soit retirée dans les plus brefs délais. Il demande aussi que des excuses officielles lui soient présentées par l'entreprise, qui promet d'ores et déjà de réintégrer les employés mis à pied si la manipulation est avérée.

M. Balthazard, qui a saisi un tribunal du travail pour licenciement abusif, ne souhaite pas retourner chez Renault, souligne son avocat. «Quand la moitié des élèves de votre classe a décidé que vous êtes un voleur et que vous devez être exclu de l'école, vous n'avez pas nécessairement envie de retourner à l'école par la suite», dit-il.

Un autre cadre ciblé par les accusations d'espionnage, Bertrand Rochette, s'est également réjoui au cours des derniers jours que «l'on voie apparaître des éléments qui vont dans le sens de la réalité et de la vérité».

Il affirme être «complètement révolté» par le traitement que lui a réservé son ancien employeur, auquel il pourrait demander plus de deux millions d'euros d'indemnités.

En écho aux cadres congédiés, un député de la majorité gouvernementale, Bernard Carayon, a indiqué hier qu'il y avait «visiblement eu massacre de la présomption d'innocence» dans le dossier.

«Ce qui compte aujourd'hui, c'est d'arriver à la vérité, qu'on y arrive rapidement et, si les soupçons étaient infondés, que justice soit rendue, confiance soit restaurée et réparation soit payée», a déclaré vendredi la ministre des Finances et de l'Industrie, Christine Lagarde.