Renault était secoué mercredi par la mise à pied de trois de ses cadres de haut niveau, une mesure exceptionnelle liée à des soupçons de diffusion d'informations touchant à son programme phare de véhicules électriques.

L'affaire couve depuis plusieurs mois et touche au plus haut niveau l'encadrement du constructeur automobile français.

Renault se refuse pour l'instant à livrer le moindre détail. Une porte-parole, interrogée par l'AFP mercredi, a parlé de «faits graves». Mais elle a jugé prématuré de qualifier plus précisément leur nature, en ajoutant qu'aucune plainte n'avait été déposée par le groupe dans cette affaire.

«Fin août 2010, une "alerte éthique" a été portée à la connaissance du "compliance committee" (comité de déontologie, ndlr)», avait expliqué mardi soir la même porte-parole. «L'investigation qui a suivi a conduit à une mise à pied conservatoire de trois cadres de Renault», avait-elle indiqué.

Selon des sources proches du dossier, les trois personnes mises en cause pilotent des programmes concernant les avant-projets de Renault et le véhicule électrique. L'une d'elles fait partie du comité de direction du groupe, qui compte trente directeurs et est chapeauté par le patron du groupe Carlos Ghosn, ont indiqué plusieurs de ces sources à l'AFP.

Les suspensions sont intervenues lundi et les cadres visés ont été sommés de quitter leurs bureaux immédiatement, ont rapporté d'autres sources.

Ils sont soupçonnés d'avoir diffusé à l'extérieur des informations mettant en cause l'intérêt de l'entreprise et qui toucheraient au véhicule électrique, selon ces sources.

D'où leur mise à pied conservatoire, une mesure qui permet à une entreprise d'écarter un salarié dont le comportement peut porter atteinte à sa bonne marche et qui est prise dans l'attente d'une éventuelle sanction disciplinaire. Durant cette période, le contrat de travail est suspendu et le salarié n'est pas payé.

L'enjeu est énorme pour le constructeur français, allié du japonais Nissan, qui a placé la voiture électrique au coeur de sa stratégie pour les années à venir. Renault doit commercialiser en milieu d'année deux modèles en version électrique, la berline familiale Fluence et l'utilitaire Kangoo Express.

La gamme électrique du constructeur comptera également deux autres modèles: le petit véhicule Twizy et la petite berline Zoe, qui doivent être commercialisés au deuxième semestre de cette année et mi-2012.

Renault considère que le véhicule électrique représentera 10% du marché automobile en 2020 et l'alliance Renault-Nissan investit chaque année 200 millions d'euros sur ce sujet.

Le constructeur français avait déjà été touché par des fuites en 2007. Renault avait alors porté plainte contre X pour «espionnage industriel» après la publication dans le magazine Auto Plus de photos et dessins des Renault Mégane 3 et Twingo CC.

D'autres entreprises françaises du secteur ont aussi été frappées par des affaires d'espionnage, comme le fabricant de pneus Michelin, dont un ancien cadre a été condamné en juin pour abus de confiance. Il était accusé par le groupe d'avoir voulu vendre des données confidentielles à son principal concurrent, le japonais Bridgestone.

Autre cas, celui d'une stagiaire chinoise de l'équipementier Valeo, jugée coupable en 2007 d'abus de confiance. Elle était poursuivie pour s'être emparée entre février et avril 2005 de fichiers informatiques confidentiels lors d'un stage chez l'équipementier automobile.

Entre temps, le gouvernement français a mis sur un pied un groupe de travail qui pourrait proposer la création d'une incrimination pénale d'atteinte au secret des affaires pour mieux défendre les entreprises et leurs informations stratégiques.