Les poursuites en justice contre Toyota s'accumulent aux États-Unis, intentées par des consommateurs qui lui reprochent d'avoir tardé à résoudre des problèmes de sécurité, et par des actionnaires qui s'inquiètent des conséquences financières des errements de la direction.

Le système électronique d'archivage des plaintes déposées devant la justice civile fédérale répertoriait mardi 33 procédures déposées contre le constructeur japonais depuis le 21 janvier, le jour d'un deuxième rappel de voitures Toyota pour cause de problèmes avec la pédale d'accélération.

Selon l'analyste Michelle Krebs, du site spécialisé Edmunds.com, une telle avalanche de poursuites n'est pas inhabituelle aux États-Unis, où «la société est très procédurière», et où Ford affrontait encore en novembre dernier la justice pour des défauts de stabilité sur un modèle de véhicules tout-terrain censés être résolus depuis 2001.

Mais pour Sanford Dumain, avocat spécialisé dans les poursuites d'actionnaires, Toyota a maintenant une décision à prendre: solder ces poursuites au plus vite pour tourner la page, quitte à payer le prix fort, ou se défendre, au risque de voir les procédures s'éterniser et la tache sur sa réputation s'incruster durablement.

«Si Toyota veut mettre cette affaire derrière lui rapidement, il peut le faire, cela dépend de l'accusé», explique M. Dumain dans un entretien avec l'AFP. Dans le cas contraire, les procédures pourraient durer «deux, trois, quatre, cinq ans».

Les dommages peuvent être considérables: «la perte en capitalisation boursière se chiffre en milliards de dollars, donc en ce qui concerne les plaintes d'investisseurs, les dommages peuvent être très important, qu'ils se chiffrent en centaines de millions ou en milliards de dollars», prévient-il.

Plusieurs cabinets d'avocats ont annoncé ces derniers jours des poursuites contre Toyota, accusé d'avoir minimisé les problèmes de ses voitures plutôt que de les résoudre, maintenant à un niveau artificiellement élevé ses actions qui se sont effondrées depuis les rappels de janvier pour cause d'accélérateurs coincés.

Le cabinet d'avocats Kendall a déjà calculé que «l'action de Toyota s'était effondrée de 14%, faisant s'envoler 21 milliards de dollars de capitalisation dans la seule semaine» achevée le 29 janvier.

«Toyota a trouvé une solution pour réparer les voitures faisant l'objet d'un rappel, mais nous continuons à nous inquiéter des dommages infligés à la réputation de Toyota, qui pèse sur le prix de l'action», a souligné dans un communiqué le dirigeant de ce cabinet, Joe Kendall.

Les poursuites pour dommages corporels sont plus incertaines, prévient M. Dumain, qui relève que les dommages et intérêts peuvent être calculés différemment d'un État à l'autre et selon le potentiel de revenus de la victime tuée ou rendue invalide.

Mais là aussi, Toyota est placé devant une alternative, relève cet avocat: «certaines sociétés ont pour principe de se défendre vigoureusement, et d'autres ont une approche plus raisonnée (...) et proposent une solution pour régler ces poursuites».

«Pour le moment, il est trop tôt pour dire quelle sera l'attitude de Toyota», ajoute-t-il.

Les dirigeants de Toyota ne font encore l'objet d'aucune plainte au pénal, mais cela ne veut pas dire que cela soit absolument impossible, note M. Dumain. Seulement «les enjeux sont bien plus lourds, donc les procureurs doivent faire très attention pour s'assurer qu'ils ont suffisamment d'éléments à charge».

«Heureusement, il semblerait qu'il n'y ait pas eu beaucoup de morts», a souligné mardi sur CNN un autre avocat, Jim Carter, évoquant 19 morts depuis 2003.

«Mais s'il se passe quelque chose, ça va revenir hanter Toyota, et chaque fois que quelqu'un sera grièvement blessé ou qu'une famille sera détruite à cause de ces problèmes, Toyota (..) sera poursuivi», a prévenu M. Carter.