Le constructeur automobile américain General Motors et la chancelière Angela Merkel ont annoncé hier la vente d'Opel à l'équipementier canadien Magna, adossé à la banque russe Sberbank, comme le voulait le gouvernement allemand.

À 17 jours de législatives à l'issue desquelles elle devrait se succéder à elle-même, c'est à la chancelière conservatrice, rayonnante, qu'il est revenu d'annoncer la nouvelle.

« Le conseil d'administration de GM a décidé de vendre Opel à Magna «, a-t-elle déclaré devant la presse. « Je me réjouis vivement « de cette décision.

Le géant américain a confirmé peu après, en précisant que certains points devaient encore être négociés et que l'accord définitif ne serait pas signé avant « les toutes prochaines semaines «. Donc après les élections allemandes.

Ce devrait être fait d'ici la fin novembre, a indiqué le vice-président de GM John Smith.

GM veut céder 55 % d'Opel et Vauxhall à Magna/Sberbank, qui devraient se partager cette part à moitié-moitié, et 10 % aux salariés. L'américain conserverait ainsi 35 % de ses anciennes filiales européennes.

Mais le groupe de Detroit doit encore négocier avec les syndicats sur la restructuration d'Opel/Vauxhall, victime comme la concurrence de surcapacités de production en Europe.

Il a déjà annoncé son intention de fermer progressivement l'usine d'Anvers, en Belgique, qui emploie plus de 2000 personnes.

« La proposition de Magna prévoit que (le site de) Anvers ferme progressivement «, a déclaré M. Smith lors d'une conférence à Berlin.

Opel compte économiser 1,2 milliard d'euros, indique le patron de GM Europe Carl-Peter Forster dans une entrevue au magazine WirtschaftsWoche. Pour y parvenir, il faudra supprimer « plusieurs milliers d'emplois «, avertit-il.

Magna, dont l'offre repose sur l'obtention de plusieurs milliards d'euros de garanties publiques en Allemagne, avait promis de ne pas fermer de site dans le pays, mais pourrait supprimer environ 10 000 emplois.

Les aides publiques devraient être remboursées d'ici 2014, a promis M. Smith.

« Je sais que ce n'était pas une décision facile pour General Motors, mais je me réjouis qu'Opel ait maintenant un avenir «, a commenté Klaus Franz, chef du Comité d'entreprise d'Opel.

Les 25 000 salariés allemands d'Opel (pour un total de 50 000 en Europe) sont échaudés depuis des mois par les atermoiements de leur société mère. Ces derniers jours, les rumeurs avaient ainsi enflé sur la volonté soudaine de GM de conserver Opel et sa jumelle britannique Vauxhall.

En mai dernier, GM et Magna avaient déjà signé une lettre d'intention sous le patronage du gouvernement. Mais GM, à la faveur d'une procédure éclair de faillite, avait très vite repris la main et relancé tout le processus pour améliorer le rapport de force vis-à-vis de Magna.

« Reste à négocier aussi avec les autres pays européens concernés par des usines Opel/Vauxhall. Le gouvernement britannique et le premier syndicat du pays, Unite, sont en tout cas restés prudents hier, assurant qu'ils défendront le maintien d'un maximum d'emplois au Royaume-Uni.

Une union houleuse

La « marque à l'éclair « appartenait à GM depuis la Grande dépression de 1929.

À l'époque, Opel fabriquait avant tout des bicyclettes, domaine où elle revendiquait le premier rang mondial, et des machines à coudre, une de ses spécialités depuis sa création en 1862 par Adam Opel.

L'entreprise ne s'est lancée dans la production d'automobiles qu'en 1898, mais dès 1906, la millième voiture sort des ateliers, une sensation pour l'époque.

Elle devient alors fournisseur de la cour de l'empereur Guillaume II mais ce sont ses petits modèles accessibles au plus grand nombre qui assureront son succès.

General Motors, qui voit en Opel la marque phare de son extension en Europe, concentre sa production sur l'automobile et permet à la production en série de prendre rapidement de l'ampleur. La « Kadett «, petit modèle familial, va devenir un best-seller.

Pendant la deuxième guerre mondiale, Opel produit surtout des camions « Blitz « pour l'armée. Après, elle est contrainte par les Alliés de se concentrer sur la fabrication de réfrigérateurs.

La production de voitures ne repartira vraiment qu'au début des années 50. Douze ans plus tard, une nouvelle version de la « Kadett « est commercialisée, alternative à la « coccinelle « de Volkswagen et destinée elle aussi au grand public.

Le début des années 70 est l'âge d'or pour Opel, qui détient 20 % du marché allemand. Mais Volkswagen mettra un terme à sa domination en lançant sa petite voiture familiale, la Golf.

Opel ne s'en remettra jamais. Ses diversifications par la suite dans le haut de gamme (Omega) ou même les voitures de sport (Tigra) échouent. Des problèmes de qualités viennent entacher sa réputation.

 

OPEL-VAUXHALL

ACTIVITÉS

Principale filiale automobile de GM en Europe (conception, construction

et vente des véhicules Opel et Vauxhall)

EFFECTIF

50 000 salariés

RÉSEAU

10 usines d'assemblage, trois usines de pièces et un centre administratif et

de R&D dans sept pays : Allemagne (5), Royaume-Uni (2), Autriche (2),

Espagne, Pologne, Belgique, France.

PRODUCTION

1,4 million de véhicules (2008)

ACTIONNARIAT FUTUR

Consortium Magna International/ Sberbank (Russie) 55%

GM 35%

Salariés 10%

INVESTISSEMENT INITIAL DE MAGNA/SBERBANK

500 millions d'euros (environ 792 millionsCAN)

Sources : GM Europe, rapports d'analystes

 

MAGNA INTERNATIONAL

ACTIVITÉS

Important équipementier pour les constructeurs d'automobiles et de camions légers, assembleur de véhicules complets en sous-traitance.

RÉSEAU

71 000 employés dans 247 usines et 86 centres technologiques dans 25 pays

CHIFFRED'AFFAIRES (1)

17,6 milliards US (-32%)

RÉSULTAT NET (1)

-768 millions US (-1,3 milliard US)

ACTIF

11,9 milliards US

DETTE À LONGTERME

659 millions US

FONDS DE ROULEMENT (ACTIF C-T/PASSIF C-T)

1,9 milliard US

SIÈGE SOCIAL

Aurora, Ontario

PRINCIPAUX ACTIONNAIRES

président-fondateur Frank Stronach (77 ans) et sa famille (23% des actions, 73% des votes), fonds d'investissement divers (9% et moins chacun)

VALEUR BOURSIÈRE

5,36 milliardsCAN

1 : Quatre derniers trimestres complétés au 30 juin 2009. Variation annualisée.

Sources : Magna International, Bloomberg, Bourse de Toronto