Acheter une voiture neuve sur eBay? C'est maintenant possible grâce à GM, qui offre à partir d'aujourd'hui ses véhicules sur le populaire site d'achats en ligne. Et même si l'expérience est réservée pour l'instant aux Californiens, elle suscite déjà le débat au Québec. Au centre de la controverse, une question: un concessionnaire, à quoi ça sert?

En se rendant à l'adresse www.gm.ebay.com, les Californiens peuvent aujourd'hui acheter une Chevrolet, une Buick ou une Pontiac d'un clic de souris, dans le confort de leur salon. Les consommateurs ont le choix entre acheter directement au prix proposé ou faire une mise et négocier en ligne avec le vendeur.

 

GM a présenté son initiative comme une façon de «simplifier le magasinage de voitures». Loin de court-circuiter les concessionnaires, le site internet permet de comparer les offres de 225 salles d'exposition, et de «poser des questions, de négocier les prix et arranger le financement» en ligne avec eux.

Mais Jacques Nantel, professeur titulaire en marketing à HEC Montréal et spécialiste du commerce électronique, croit qu'il s'agit bel et bien d'un croc-en-jambe que fait GM à ses concessionnaires.

«Cette expérience n'est que la pointe de l'iceberg, croit le spécialiste. À terme, ce que ça va entraîner, c'est une réduction de l'importance du réseau de concessionnaires. Ça, c'est très clair.»

La raison, à ses yeux, est simple: «Un concessionnaire apporte aujourd'hui une contribution relativement faible à l'acte de vente.»

«On a déjà plusieurs études qui montrent qu'en moyenne, les consommateurs qui entrent dans une salle d'exposition en savent plus que le vendeur sur la voiture qu'ils veulent acheter et surtout sur les modèles concurrents», dit-il.

Selon lui, la progression des ventes de voitures en ligne est «incontournable». Et elle se fera au détriment des concessionnaires.

Les concessionnaires sont évidemment d'un tout autre avis et se disent peu inquiets de voir GM vendre ses voitures sur eBay.

«Certains constructeurs ont essayé la vente directe par le passé, et ça s'est toujours soldé par des échecs monumentaux, dit Jacques Béchard, président-directeur général de la Corporation des concessionnaires du Québec, qui croit que c'est pour cette raison que GM a bâti son expérience eBay autour d'eux.

«Il faut garder en tête que le concessionnaire assume une grande partie du risque pour le constructeur. Il assume le risque de la bâtisse et le risque de la gestion des inventaires, sans compter l'expertise des hommes et des femmes d'affaires que sont les concessionnaires.»

Que ce soit pour l'information, le service après vente ou l'essai d'un véhicule, le concessionnaire, dit-il, aura toujours son rôle à jouer. «Internet est un formidable outil d'information, dit-il, mais ce n'est pas un outil de transaction.»

«Pour l'instant, on regarde ça avec curiosité, dit de son côté Renée Cardinal, directrice des communications de la Corporation des concessionnaires automobiles de Montréal. On attend d'avoir plus de détails, mais toute initiative qui permettrait de relancer GM est bienvenue.»

L'expérience marque-t-elle le début du déclin pour les concessionnaires? Elle n'y croit pas. «Tout le monde sait que le succès de GM passe par les concessionnaires. Il y plein de choses qu'on ne peut pas faire sur l'internet. Le consommateur va encore vouloir aller voir, toucher, palper et essayer les véhicules. On parle du plus gros achat après celui d'une maison.»

Vrai, admet le professeur Jacques Nantel. «Mais vous n'avez pas besoin d'une quinzaine de concessionnaires GM à Montréal pour faire l'essai de véhicules. Vous avez peut-être besoin d'un ou deux endroits, c'est tout. À terme, je suis convaincu qu'on s'en va vers un rôle de plus en plus important du web dans la vente d'automobiles.»

Comme quoi eBay, en plus de faire miser les consommateurs, suscite aussi les paris des spécialistes.