Le retour du modèle Chevrolet Camaro demeure un sujet sensible pour plusieurs anciens travailleurs de General Motors, de Boisbriand, mais la dernière ville québécoise à avoir abrité une usine automobile a découvert, malgré elle, qu'elle s'en sortait finalement peut-être mieux sans les problèmes amenés par le constructeur en difficulté.

L'usine de Boisbriand, dans Laurentides, à une dizaine de kilomètres au nord de Montréal, a fermé définitivement ses portes en 2002, mettant à la rue 1500 personnes. L'usine avait déjà compté jusqu'à 4700 employés. Et lorsque GM a décidé, en mars dernier, de reprendre la production du modèle Camaro à son usine d'Oshawa, en Ontario, la ville de Boisbriand, dont l'usine a été dédiée à la construction du même modèle pendant 35 ans avant de fermer, était en voie de se convertir en municipalité respectueuse de l'environnement.

Boisbriand peut aussi se consoler en sachant qu'elle a réussi à survivre au moment le plus difficile de sa crise économique avant que la récession mondiale ne frappe de front.

«Cela a été dur pour la ville, qui a perdu une importante source de recettes fiscales», reconnaît la mairesse de Boisbriand, Sylvie St-Jean. «On parle ici de 2,2 millions $. Nous commençons à nous en remettre», fait-elle savoir, en entrevue.

Mais heureusement, seulement deux pour cent des travailleurs de GM qui ont été congédiés habitaient la ville de Boisbriand, tandis qu'environ le trois-quart d'entre eux approchaient de la retraite.

Et c'est une décision du promoteur Faubourg Boisbriand et de l'entreprise d'investissement immobilier, Cherokee Investment Partners, qui a réellement revitalisé la ville, selon la mairesse. Le terrain de l'usine a été racheté par Cherokee Investment Partners et la compagnie l'a décontaminé, transformant la municipalité en ville domiciliaire, commerciale et d'affaires.

L'ironie du sort a fait que cet ancien territoire, auparavant détenu par une compagnie en faillite qui a été accusée d'avoir raté le bateau en matière d'efficacité environnementale, est aujourd'hui certifié «vert».

Quand le projet sera terminé, ce qui risque d'être dans trois ans selon la chef de l'exploitation Hélène Gignac, la Ville peut s'attendre à générer beaucoup plus de recettes fiscales que dans le passé.

Mme Gignac estime que la zone commerciale, à elle seule, permettra de créer quelque 2000 emplois, tandis que des centaines d'autres seront à combler pendant la phase de construction.

«Si nous regardons les salaires, c'est certain que le commerce et l'industrie de l'avenir ne remplaceront jamais ce que nous avons perdu», a reconnu la mairesse St-Jean, soulignant que la Ville planifiait trouver une façon de commémorer l'histoire de constructeur automobile de Boisbriand.

Mais la municipalité compte également dorénavant une industrie agroalimentaire en pleine expansion. Et Boisbriand est relativement rapprochée de la métropole montréalaise, ce qui peut attirer des banlieusards qui sont prêts à faire la navette pour aller travailler.

Somme toute, la vie après GM est belle à Boisbriand, conclut Mme St-Jean.

Des villes comme Oshawa ou Windsor, en Ontario, subissent elles aussi les contrecoups de la crise automobile et doivent préparer l'avenir en fonction de cette diminution de production.

Oshawa compte encore environ 6000 emplois syndiqués dans le secteur de l'automobile, ainsi qu'un nombre réduit de postes de fournisseurs. Mais c'est beaucoup moins que les 25 000 emplois que la ville offrait il y a 30 ans.

Au cours de la dernière année seulement, 10 000 emplois ont été perdus, la plupart d'entre eux au mois de mai, alors que l'usine de fabrication de camions a fermé ses portes.

Le maire de la ville, John Gray, a assuré que la municipalité faisait tout ce qu'elle pouvait pour atténuer la souffrance de plusieurs familles.

Contrairement à la croyance populaire, le nombre de permis de construction est en hausse et Oshawa continue d'attirer des investissements industriel, commercial, gouvernemental et institutionnel.

«Nous nous assurons que nous ne restons pas assis sans rien faire et que nous ne répétons pas les erreurs de d'autres villes, comme Flint au Michigan, où ils ont cru que l'industrie automobile reviendrait», a expliqué le maire Gray.

Avec trois établissements d'études post-secondaires, dont le nouvel Institut universitaire de technologie de l'Ontario, il faut miser sur l'éducation et le recyclage professionnel, selon le maire.

Il espère également que la recherche sur les voitures électriques permettra à Oshawa de devenir un centre d'excellence dans le domaine. Et puisque la ville se trouve à proximité de deux centrales nucléaires en pleine phase d'agrandissement, le maire Gray anticipe pouvoir profiter de possibilités de rééducation professionnelle et d'emploi.

Du côté de Windsor, la capitale automobile du Canada qui accueillait autrefois près de 60 000 emplois dans la construction automobile, la ville doit aujourd'hui se contenter de 12 000 postes. Son taux de chômage, au mois de mai, atteignait 13,5 pour cent, soit le plus haut au pays.

Le maire de la ville, Eddie Francis, est cependant confiant que le secteur automobile ne disparaîtra pas complètement, même s'il sait que l'industrie est en train de changer et que, conséquemment, la ville doit s'adapter.

Constatant le recul de l'industrie automobile, plusieurs fournisseurs de pièces ont commencé à diversifier leur base d'approvisionnement, à contre-coeur, il y a sept ans, affirme le maire Francis, qui est en poste depuis 2004.

La ville a également entamé un repositionnement de son économie locale. Les établissements d'études post-secondaires se sont agrandis afin d'offrir là aussi des programmes de rééducation professionnelle, particulièrement dans le domaine des sciences de la santé.

Et puisque Windsor ne se trouve qu'à quelques kilomètres de la frontière américaine, la Ville tente également de miser sur l'industrie du tourisme, précise le maire.

Le maire Francis souligne par ailleurs que Windsor est prête à investir pour des travaux d'envergure, ainsi qu'à devenir une plaque tournante du transport pour son industrie agroalimentaire de 1,5 milliard $.

«Windsor est un bon exemple de cas modèle où les gens font tout ce qu'ils peuvent non seulement pour repositionner la ville, mais pour se repositionner eux-mêmes pour l'économie», conclut-il.