Le «nouveau GM» devra grimper une côte immense avant que les contribuables revoient une partie des milliards de fonds publics investis dans la relance du constructeur.

Washington, Ottawa et Queen's Park détiendront 72,5% des actions quand General Motors [[|ticker sym='gm|]] se réinscrira en Bourse, au terme de sa restructuration judiciaire. Mais avant que les gouvernements pensent seulement à rentrer dans leur argent, la capitalisation boursière de cette nouvelle entité devra atteindre environ 70 milliards US.

C'est 140 fois la valeur de GM à la fin de la semaine dernière, et sept fois plus qu'il y a un an!

«Les contribuables vont clairement revoir une partie de leur argent quand nous commencerons à vendre des actions, mais honnêtement, nous n'y comptons pas trop», a admis lundi le premier ministre Stephen Harper en conférence de presse, peu après le dépôt de bilan de GM à New York.

Les gouvernements du Canada et de l'Ontario ont versé 10,5 milliards en échange de 11,7% du «nouveau GM». L'entreprise, qui conservera seulement ses actifs les plus sains après sa restructuration, devrait inscrire ses actions en Bourse au premier trimestre de 2010.

L'État compte se départir de ses actions peu à peu d'ici 2018, a indiqué Darren Cunningham, porte-parole du ministre de l'Industrie, Tony Clement. Les ventes de titres devraient se faire deux fois par année, selon un calendrier qui sera déterminé par le tribunal des faillites.

Washington, qui héritera de 60,8% des actions de GM en échange d'un investissement de 50 milliards US de deniers publics, se départira lui aussi graduellement de ses titres.

Trop tôt pour un PAPE?

Ottawa mise sur un premier appel public à l'épargne (PAPE) du «nouveau GM» au premier trimestre de l'an prochain. Selon d'autres sources officielles citées par Bloomberg, l'entrée en Bourse pourrait se faire jusqu'à 18 mois après la fin de la restructuration, soit au milieu de 2011.

Dans un cas comme dans l'autre, ce PAPE apparaît précipité à Marc Chabot, spécialiste des faillites au département des sciences comptables de l'UQAM. La société nouvellement dégraissée commencera à peine à se remettre sur pied dans 18 mois, souligne-t-il. «C'est tôt pour voir une éclaircie.»

Jo D'Cruz, professeur de gestion stratégique à l'Université de Toronto, estime que la restructuration judiciaire devrait se conclure rapidement. Mais le plan d'affaires pour la relance - qui dictera en bonne partie le prix de l'action en Bourse - soulève plusieurs craintes, selon lui.

«La question la plus sensible, c'est de savoir si GM sera capable d'arriver avec une gamme de produits que le public voudra acheter, a-t-il dit. Auront-ils des véhicules de qualité, économes d'essence et joliment dessinés? En ce moment, il y a peu de raisons d'être optimiste à cet égard.»

La majeure partie des 10,5 milliards investis par les gouvernements du Canada et de l'Ontario sera convertie en actions du «nouveau GM», à l'exception d'une somme de 1,3 milliard US qui se transformée en prêt.

GM devra avoir remboursé un minimum de 30% du prêt au bout de trois ans, 65% d'ici six ans et la totalité d'ici 2018, a-t-on appris. Le taux d'intérêt a été fixé à 7%.

L'injection de fonds publics est massive, mais nécessaire, font valoir depuis lundi les responsables du gouvernement Harper.

«Nous comprenons ce que pourrait être le pire scénario et les risques que nous avons pris, mais nous voyons aussi le potentiel de la société et c'est pour cela que nous avons pris ces risques», a fait valoir le porte-parole du ministre de l'Industrie Tony Clement.

 

GM: QUÉBEC DEVRAIT RECOUVRER SES 110 MILLIONS

Le gouvernement du Québec devrait recouvrer en totalité le prêt sans intérêt de 110 millions de dollars fait à GM en 1987. L'aide financière a été octroyée à GM Canada, et non à la maison mère américaine, a indiqué Josée Béland, porte-parole d'Investissement Québec. Or, comme la filiale canadienne ne s'est pas placée sous la loi des faillites lundi, le prêt demeure remboursable en totalité à son échéance le 1er avril 2017. «Ça ne change rien à l'entente», a confirmé Mme Béland. Si GM Canada s'est placée sous la protection des tribunaux, comme la maison mère américaine, l'État québécois aurait été considéré comme un simple créancier ordinaire et aurait risqué de perdre une bonne partie de sa mise. Josée Béland affirme que GM Canada n'a pas tenté de renégocier à la baisse les modalités du prêt consenti il y a 22 ans.