Les prochaines heures seront cruciales pour GM. (GM) Le constructeur doit s'entendre avec ses créanciers et présenter d'ici demain soir un nouveau plan de relance à Washington. La restructuration sous la loi des faillites est quasi assurée. Mais que fera le géant déchu dans un an? Et dans cinq ans? Il doit revoir sa stratégie du tout au tout pour survivre dans le paysage automobile du 21e siècle.  

 Début des années 2000. Arnold Schwarzenegger, Jon Bon Jovi et une flopée de vedettes se baladent fièrement au volant de leur Hummer dans les rues d'Hollywood. Le rutilant camion de GM atteint des sommets de popularité, comme plusieurs autres véhicules lourds du constructeur.Neuf ans plus tard, tout a changé. L'intérêt pour les grosses cylindrées s'est effondré avec la hausse des cours du pétrole et la dégradation de l'économie. General Motors est à deux doigts de la faillite. Exsangue. Le géant déchu a effectué une série de compressions draconiennes dans ses usines et son personnel, mais il devra faire beaucoup plus pour refaire sa place - et survivre - dans le paysage automobile du 21e siècle, disent les experts.

«GM doit absolument arriver avec de nouveaux modèles best sellers d'ici un an ou deux», lance Anil Verma, professeur à la Rotman School of Management de l'Université de Toronto.

La clé de la relance se résume en trois mots, selon les spécialistes consultés par La Presse Affaires. Fiabilité. Durabilité. Design. Des attributs qui expliquent selon eux la montée en flèche des voitures japonaises depuis trois décennies... et la descente aux enfers de General Motors.

«GM a prouvé aux baby-boomers, et à leurs enfants de la génération X, que c'était difficile de faire des voitures qui combinaient à la fois un beau design, de la qualité et de la durabilité, dit Louis Gialloreto, professeur de marketing à l'Université McGill. Ils ont vraiment perdu les deux plus grandes générations qu'on a eues dans les 100 dernières années!»

Le fabricant de Detroit s'est éparpillé au fil des décennies en multipliant les marques - huit en Amérique à l'heure actuelle - et les modèles, fait valoir M. Gialloreto. Chaque gamme a ses forces et ses faiblesses, mais aucune n'a réussi à cristalliser toutes les qualités qui font une bonne voiture, selon lui.

À l'opposé, le géant japonais Toyota s'est taillé une place de choix en Amérique avec trois marques biens circonscrites: Toyota, Lexus et Scion. Toutes reconnues pour leurs hauts standards de qualité. «Ils ont une gamme de produits beaucoup moins complexe à produire, à renouveler et à vendre, mais les parts de marchés qu'ils sont capables de générer avec ces trois marques-là sont énormes», souligne le professeur.

Toyota a d'ailleurs dépassé GM comme premier fabricant mondial l'an dernier. Une gifle symbolique, qui est venue s'ajouter aux maux financiers du géant de Detroit, bien réels ceux-là.

Se remettre sur pied

GM n'est pas le seul constructeur automobile à souffrir du recul des ventes de véhicules neufs. Chrysler s'est placée sous la protection de la loi des faillites le mois dernier, et tous les fabricants voient leurs revenus affectés par la crise économique mondiale.

General Motors est toutefois dans un bien pire état que la plupart de ses concurrents. L'entreprise a perdu 82 milliards de dollars depuis 2004. Ses ventes mondiales ont chuté de 11% l'an dernier, et de 21% pendant le premier trimestre de 2009. Son manque de liquidités est tellement criant qu'elle a dû recevoir plus de 19 milliards d'aide du gouvernement américain - et d'autres milliards du Canada - au cours des derniers mois pour poursuivre ses activités.

Le fabricant doit présenter d'ici demain soir un nouveau plan de relance solide à Washington, sans quoi l'État cessera de lui prêter des fonds. La mise en faillite apparaît quasi assurée pour GM, qui devra vraisemblablement se restructurer sous la protection des tribunaux.

Parmi toutes les mesures de redressement annoncées jusqu'à date (fermeture d'usines et de concessionnaires, licenciements massifs, baisses de salaires), la simplification du portfolio de marques constitue l'une des plus prometteuses, selon les experts.

En plus d'abandonner sa mythique bannière Pontiac, GM vendra ses filiales Saturn, Saab, Hummer et l'européenne Opel. L'entreprise centenaire se retrouvera avec seulement quatre marques en Amérique du Nord: Chevrolet, Buick, Cadillac et GMC. Une bénédiction, d'après le professeur Louis Gialloreto, qui entrevoit même la disparition possible de GMC.

«Ils vont être capables de faire plus d'innovations sur moins de gammes, dit-il. Par conséquent, ils seront capables d'avoir plus de succès en terme de dessin, de qualité et de durabilité, tout ça dans la même auto, au lieu d'avoir la qualité dans une, la durabilité dans l'autre et le design dans l'autre.»

Les dirigeants de GM doivent absolument «changer la culture de l'entreprise» et offrir aux consommateurs ce qu'ils veulent, souligne pour sa part Anil Verma, de l'Université de Toronto. Exit les gros véhicules clinquants et polluants, bienvenue aux voitures compactes et économiques.

«Autrement, GM ne va pas seulement perdre des parts de marché, mais il y a de fortes chances que le fabricant se retrouve encore au même point dans cinq ans», dit le spécialiste de l'Université de Toronto.

L'entreprise a fait un pas dans cette direction hier en annonçant la fabrication d'une future petite voiture aux États-Unis. La production initiale du modèle (qui n'a pas été identifié) atteindra 160 000 unités et se fera dans une usine de GM présentement désaffectée.

Une telle production n'aurait pu être envisagée sans les importantes concessions salariales faites par les syndiqués américains de GM, a affirmé Fritz Henderson, le nouveau PDG du groupe, dans un communiqué. «Cela nécessite un effort de la part de tous pour produire une petite voiture domestique de façon concurrentielle et profitable, mais c'est ce que nous ferons tous ensemble.»

Chevrolet doit lancer l'an prochain la Cruze, une compacte qui suscite déjà un fort engouement dans la presse spécialisée. La Spark représentera pour sa part une première incursion dans le secteur des minis, avec ses petits moteurs de 1,0 et 1,2 litre.

Toutefois, selon plusieurs observateurs, c'est la Chevrolet Volt qui pourrait représenter le salut de GM. Cette jolie berline hybride promet de parcourir 64 kilomètres avec son moteur électrique sans consommer une seule goutte de carburant, après quoi un système à essence entrera en fonction.

La mise en marché de la Volt est prévue en 2010, bien que certains détails techniques restent à régler. Et la viabilité économique du projet n'est pas assurée, ce qui soulève des inquiétudes, indique le professeur Anil Verma.

Les prochains mois seront cruciaux à tous les égards pour GM. Tant pour ses avocats que pour ses ingénieurs, qui devront mettre les bouchées doubles pour vite finaliser les nouveaux modèles.