La restructuration sous contrôle judiciaire du constructeur automobile Chrysler, menée tambour battant depuis son dépôt de bilan, fin avril, était suspendue mardi à une plainte du trésorier de l'État de l'Indiana, qui menace de faire dérailler tout le processus.

Le trésorier de cet État, le républicain Richard Mourdock, a engagé une procédure judiciaire parallèle à celle engagée devant le juge des faillites, en vue d'obtenir une meilleure indemnisation que celle proposée par Chrysler pour les trois fonds qu'il administre.

Le moindre délai pourrait représenter un écueil important pour Chrysler et le gouvernement fédéral qui vise une sortie rapide du régime des faillites pour permettre au constructeur de prendre un nouveau départ.

L'évolution de la situation de Chrysler est critique pour General Motors, un autre géant de Detroit, qui suit de très près le scénario écrit par son concurrent. GM, qui doit boucler en fin de journée la restructuration de sa dette, pourrait se placer lui aussi sous la protection du Chapitre 11 de la loi des faillites avant la fin de la semaine.

Pour les deux groupes, un point juridique majeur est de déterminer la possibilité ou non d'exiger de leurs créanciers des concessions plus importantes que celles demandées aux actionnaires.

Ainsi, GM demande aux détenteurs de ses obligations d'échanger 27 milliards de dollars de dette contre une part de 10% dans le nouveau groupe, tandis que le syndicat de l'industrie automobile UAW obtiendrait 39% des parts de GM, acceptant en échange que GM ne verse pas en numéraire 10 milliards de dollars dus à un fonds de couverture santé pour ses employés retraités.

Selon certains analystes, les projets de GM et Chrysler créent un dangereux précédent, en balayant la dette supposée garantie des créanciers alors que ces derniers sont censés être prioritaire en cas de faillite d'une entreprise.

«Nous ne pouvons pas laisser nos officiers de police et professeurs à la retraite être escroqués par les autorités fédérales», argue Richard Mourdock, qui administre les fonds de pension de ces deux professions dans son État.

«Les fonds publics de l'Indiana ont souffert de pertes quand l'administration Obama a décidé de mettre à bas une loi plus que centenaire en redéfinissant les «créanciers possédant une garantie» en quelque chose d'autre de moins important», a-t-il soutenu.

De son côté, Chrysler relève que satisfaire aux exigences de l'État de l'Indiana «conduirait à la liquidation du groupe, au licenciement de 4000 personnes et à la perte de 9000 indemnités de retraite dans le seul Indiana».

Le constructeur, qui propose 29 cents en liquide pour 1 dollar de dette garantie, fait valoir qu'en cas de liquidation, les créanciers recevront entre zéro et 18 cents. Selon lui, dans cette hypothèse, le chiffre final se situera «probablement dans le bas de la fourchette».

Dans le cas d'une liquidation, la perte pour les employés, les fournisseurs et les concessionnaires se monterait en dizaines de milliards de dollars, a mis en garde Chrysler.

Si aucune mesure n'est prise mardi par le tribunal, la prochaine étape pour Chrysler sera de se présenter mercredi devant Arthur Gonzalez, juge new-yorkais chargé de trancher sur le plan orchestré par Washington, prévoyant une reprise des actifs sains du groupe par un consortium structuré autour de Fiat.

Selon un document transmis à la justice par le Trésor, si la cession des actifs tels que prévue était approuvée par le juge, l'opération pourrait être conclue avant vendredi, marquant «le lancement du nouveau Chrysler».

Dans ces conditions, le gouvernement fédéral a qualifié la démarche de l'État de l'Indiana de «rien de moins qu'une tentative désespérée, de dernière minute, d'une faction dissidente (de créanciers) pour faire obstacle et empêcher les perspectives du groupe sous le Chapitre 11 d'être examinées devant le juge des faillites, qui est le cadre approprié pour en débattre».