Un scénario «à la Chrysler» apparaît de plus en plus probable pour le constructeur automobile américain General Motors (gm) , qui devrait annoncer d'ici à la fin de la semaine son dépôt de bilan pour mener une restructuration «chirurgicale» avec un fort soutien du gouvernement.

GM a jusqu'au 1er juin pour présenter un plan de restructuration viable. Mais nombre d'analystes estiment qu'il devrait d'ici là suivre l'exemple de son concurrent Chrysler, qui s'est placé sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites fin avril.

«Je pense que GM va apprendre beaucoup de la faillite de Chrysler», a déclaré sous le couvert de l'anonymat un avocat spécialisé dans les faillites.

Selon le Washington Post, l'État fédéral s'est résolu à une telle solution alors même que GM a beaucoup progressé dans sa restructuration, notamment en arrachant la semaine dernière à ses syndicats américains et canadiens des accords qui lui permettent de ramener ses coûts salariaux à ceux de la concurrence. Les membres du syndicat des Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA) devaient voter hier et aujourd'hui pour entériner l'entente de principe annoncée vendredi dernier.

Procédure de restructuration

Le schéma retenu dans les deux cas serait celui d'une vente rapide des actifs sains du constructeur à des investisseurs. Le reste des actifs et des engagements du groupe devrait languir pendant des années sous administration judiciaire pendant que les parties prenantes se disputeraient ses dépouilles.

Pendant le dépôt de bilan, l'État fédéral continuerait à alimenter massivement les caisses de GM, à qui il a déjà fourni 19,4 milliards de dollars depuis l'hiver. Au départ, l'aide gouvernementale était seulement destinée à durer jusqu'à la fin du mois de mai.

«Je m'attends à ce que GM engage sa procédure de faillite devant le même tribunal (de New York) que Chrysler. Celui-ci a engagé les choses au pas de course, ce qui est capital pour GM autant que cela l'a été pour Chrysler», a ajouté cet avocat spécialisé, qui connaît bien le dossier.

La restructuration de GM sous la protection de la justice serait bien plus compliquée que celle de Chrysler puisqu'elle mettrait en jeu les intérêts de milliers d'investisseurs et d'autres parties.

Dans les deux cas, les banquiers doivent consentir des sacrifices plus importants que les autres parties, notamment le syndicat de l'automobile UAW.

Kent Engelke, de Capitol Securities Management, a relevé que le gouvernement demande aux porteurs de dette obligataire garantie de renoncer à 27 milliards de dollars en échange de 10% de la compagnie. «Le Trésor et l'UAW vont renoncer à 20 milliards et recevront 89% de la nouvelle compagnie».

Ce plan, a dénoncé M. Engelke, «sacrifie les porteurs de dette garantie au profit des syndicats. C'est injuste, sans précédent juridique et en contradiction avec les règles juridiques et financières de base».

Le juge des faillites Arthur Gonzales doit décider mercredi s'il approuve le plan poussé par l'État pour Chrysler, qui prévoit la vente des principaux actifs du groupe à un consortium mené par le constructeur italien Fiat.

Son feu vert pourrait permettre à un «nouveau» Chrysler de sortir du processus de restructuration judiciaire dans les 30 jours, mais ce scénario optimiste peut toujours prendre du retard en cas d'éventuelles contestations.

Jonathan Lipson, professeur de droit de la Temple University, explique le rôle prééminent de l'administration Obama par un souci de contrebalancer l'influence des fonds d'investissement, qui ont accumulé massivement de la dette des deux constructeurs.

«Il se pourrait que le gouvernement fédéral ait reconnu qu'on ne peut pas faire confiance aux fonds d'investissement qui détiennent de larges quantités de dettes de Chrysler (et peut-être de GM) pour conduire une restructuration réussie», a souligné M. Lipson.

Jeremy Anwyl, qui dirige le cabinet spécialisé Edmunds.com, s'est dit «mal à l'aise» face à l'importante implication du gouvernement dans ces deux dossiers, mais il reconnaît que «ce ne serait pas possible pour une compagnie d'engager une telle restructuration sans que le gouvernement agisse à titre de médiateur. C'est un rôle que personne, en dehors du gouvernement, ne peut jouer».