L'anxiété accumulée au cours des derniers mois s'est transformée en certitude hier pour plus de 10 000 employés des concessionnaires GM (gm) du Canada.

Le constructeur en difficulté a confirmé la fermeture de 42% de ses succursales au pays - environ 300 -, conséquence directe de l'effondrement de ses ventes de véhicules. Cette cure minceur privera aussi de revenus des centaines d'équipes sportives et de médias locaux, pour qui l'appui financier des concessionnaires est primordial.

«C'est très dévastateur», a lancé à La Presse Affaires Michael Hitch, économiste en chef de la Corporation des associations de détaillants d'automobiles du Canada.

Les compressions annoncées hier impressionnent par leur ampleur, mais elles étaient attendues. GM s'est engagé auprès des gouvernements américain et canadien à faire d'importantes coupes, en échange de milliards d'aide financière. Le spectre de la faillite rôde toujours autour de l'entreprise.

Sandra Perron, porte-parole de General Motors, n'a pas voulu préciser quelle proportion des 148 concessionnaires québécois sera fermée. Tous ceux que nous avons appelés se sont faits avares de commentaires, mais il est à prévoir que plusieurs dizaines seront touchés.

Cette réorganisation majeure constitue une seule des nombreuses mesures d'austérité lancées par GM au cours des derniers mois. Le groupe a annoncé la fermeture de 1100 concessionnaires aux États-Unis, licencié des milliers d'employés à l'administration et à la production, en plus de supprimer la mythique bannière Pontiac.

Recul des ventes

La restructuration progresse, mais les ventes de GM continuent à se dégrader à un rythme accéléré. Seulement au Canada, le nombre de voitures écoulées a reculé de 52% depuis le début de l'année! Le secteur des camions se porte un peu mieux, ce qui ramène la baisse combinée à 34% au pays.

Ce recul marqué des ventes rend le remaniement du réseau de concessionnaires tout à fait «compréhensible», selon Louis Hébert, professeur titulaire de gestion stratégique à HEC Montréal.

«Dans le secteur de l'automobile, qui s'est littéralement effondré et où il n'y a pas d'espoir à court terme que ça revienne aux niveaux d'antan, que l'acteur le plus en difficulté coupe de 40% son nombre de concessionnaires, c'est une juste attente», a-t-il dit.

Louis Hébert s'attend à ce que la plupart des autres constructeurs emboîtent le pas à GM et ferment des succursales, puisque la «surcapacité» touche toute l'industrie. Chrysler (qui s'est placé sous la protection de la loi des faillites) a annoncé la semaine dernière la fermeture de 25% de ses détaillants américains.

Au Canada, General Motors promet de réduire le nombre de succursales «de façon ordonnée et économique», sans nuire à sa clientèle. Les coupes seront surtout concentrées dans les centres urbains, où le nombre de points de vente est plus élevé.

«Au bout du compte, cela se traduira au Canada par un réseau plus concurrentiel de concessionnaires qui connaîtront des taux de ventes plus élevés», a fait valoir l'entreprise dans un communiqué.

La liste noire

GM a étudié plusieurs facteurs avant de choisir les vendeurs sacrifiés. «Il y avait entre autres le potentiel de croissance, l'infrastructure - est-ce que le bâtiment est âgé ou neuf? - et l'emplacement stratégique de la concession», a expliqué la porte-parole, Sandra Perron.

Les concessionnaires touchés pourront poursuivre leurs activités jusqu'en octobre 2010, après quoi leur contrat de concession expirera. Chaque succursale GM du Canada emploie en moyenne 35 personnes, ce qui devrait porter le nombre de nouveaux chômeurs à plus de 10 400.

Au Québec, où GM a fermé sa seule usine de fabrication en 2002, l'abandon de dizaines de points de vente aura «un impact symbolique et psychologique important», selon le professeur Louis Hébert. «C'est la partie visible de l'entreprise.»

L'expert note aussi le ressac à prévoir chez les nombreuses équipes sportives et associations qui bénéficient de commandites des concessionnaires GM. «Ce sont souvent des gens très proches de leur milieu et qui subventionnent plusieurs activités. Tout ça va partir.»

Michael Hitch, de la Corporation des associations de détaillants d'automobiles, juge «incalculables» les effets indirects de toutes ces fermetures. «Ce sera un très gros morceau.»

Le titre de General Motors a gagné 14% hier à la Bourse de New York, pour clôturer à 1,45$US.

L'entreprise, qui n'a pas affiché de profits depuis 2004, emploie aujourd'hui 33 000 personnes au Canada, incluant la main-d'oeuvre des concessionnaires.

Les employés d'usine sont toujours en négociations avec GM en vue de réduire singulièrement le coût de fabrication des véhicules au Canada. Ottawa et Queen's Park avaient fixé le 15 mai comme date limite pour une entente, sans quoi ils menaçaient de retirer l'aide financière octroyée au constructeur.

Le ministre fédéral de l'Industrie, Tony Clement, s'est toutefois dit prêt à être «patient», hier, tant que les pourparlers progressaient dans la bonne direction.

GM Canada en chiffres

Nombre d'employés du constructeur (usines et administration) : 12 000

Nombre de concessionnaires : environ 700 établissements

Pertes d'emplois prévues dans les concessionnaires : 10 000

Baisse des ventes de véhicules au Canada : -34%*